mercredi, octobre 03, 2007

Cent français et moi et moi...

Je viens de participer ce mercredi 3 octobre à l’enregistrement de l’émission “Les cent Français qui font bouger la France” consacrée à l’école. Cette émission, animée par Béatrice Schönberg doit passer sur France 2 le mardi 9 octobre à 20h50. Voici quelques réactions à chaud sur mon vécu de cette émission et sur la manière dont on parle de l'école à la télévision.


J’avais été contacté au mois de juin dernier par une journaliste de la boite de production, nous avions eu un long échange téléphonique puis au début septembre j’avais déjeuné avec trois journalistes dont la rédactrice en chef de l’émission. Là, j’avais eu vraiment l’impression de passer un “grand oral”… Apparemment l’examen avait été réussi puisque j’étais invité à cette émission malgré pas mal de réticences de ma part. Celles-ci se sont trouvées confirmées lorsque j’ai appris (très tardivement) le titre et le principe de l’émission. Si le plateau était constitué avec “100 français”, quel serait le temps de parole de chacun ? Peut-on avoir un réel débat dans ces conditions ?

Passons sur les aspects pratiques nouveaux pour moi (le maquillage, le taxi payé à l’aller et au retour, le buffet…). Je repère très vite dans la foule des participants, les inévitables Marc Le Bris et Jean-Paul Brighelli. Si j’ai été invité, m’a t-on dit, c’est que j’ai déjà “affronté” deux fois le réactionnaire moustachu et hâbleur (notamment lors d’un débat à Orléans).
Au passage, je voudrais souligner encore une fois à tous mes amis pédagogues à quel point il est important de se confronter à eux et de ne pas les traiter par le mépris et l’ignorance. Leur surface médiatique est disproportionnée et j’ai pu constater à quel point leur influence au sein du microcosme (médias et politique) est forte. J’ai souvent dit qu’il ne suffit pas de répéter une contre-vérité pour qu’elle devienne vraie, mais il faut bien reconnaître que la répétition contribue à forger l’opinion. On en a eu une belle illustration ce soir à plusieurs reprises.

J’apprends par les journalistes avec qui j’étais en contact que je serai en plateau quasiment tout le temps. Le dispositif est en effet le suivant : des gradins avec cent personnes et en bas huit fauteuils de chaque côté de l’animatrice de l’émission. J’occuperai un de ces fauteuils pendant toute la durée de l’émission et j’interviendrai à plusieurs reprises.
L’émission est découpée en plusieurs thèmes qui donnent lieu à chaque fois à un reportage suivi d’un “retour plateau” où des protagonistes du reportage répondent aux questions de Béatrice Schonberg. Il y a ensuite un mini débat où interviennent les différents occupants des fauteuils.

Je ne vais pas faire la liste de tous les thèmes, vous les découvrirez le jour de la diffusion de l’émission. Laissons un peu de suspense
Notons tout de même deux temps forts l’un sur “restaurer l’autorité” et l’autre sur ”sauver l’orthographe” (vous apprécierez les titres).
Le thème de l’autorité est illustré par un reportage sur un internat privé qui est une sorte de clone (mais en vrai) du “Pensionnat de Chavagnes”. J’en viens à me demander si parmi les “Cent français qui font bouger l’école”, tout le monde veut la faire bouger dans le même sens… Il y en a pour qui ça tire plutôt vers l’arrière…
J’essaye de discuter le terme même du titre (restaurer l’autorité) en montrant qu’il ne s’agit pas forcément de restaurer mais de refonder dans un contexte différent et que l’appel à l’autorité est souvent un appel à l’obéissance. Cela ne semble pas plaire à la maîtresse de cérémonie. Discuter le titre c’est un truc d’intello mais les journalistes n’aiment pas cette remise en question là…
Sur l’orthographe, et sans dévoiler la teneur du débat, on retrouve nos fameux duettistes (Brighelli/Le Bris) dans un numéro très au point. J’essaie de faire péniblement entendre une voix discordante en discutant la baisse supposée de l’orthographe et surtout en montrant que le titre très catastrophiste qui a été choisi est presque injurieux pour tous les enseignants qui font correctement leur travail d’enseignement de la lecture et de l’écriture. Béatrice me fait les gros yeux (qu’elle a fort beaux d’ailleurs…).
Du coup, puisque j’ai cherché à nuancer et à prendre la défense du bilan de l’école, elle ne m’interrogera plus que très épisodiquement et comme le représentant de l’institution. En effet, la thématique récurrente de l’émission c’est de mettre en valeur des personnes qui veulent faire bouger les choses et qui sont présentées comme en lutte contre la méchante administration de l’éducation nationale (dont il n’y a aucun représentant officiel sur le plateau) qui impose un dogme, des méthodes (forcément mauvaises) et qui freine toute initiative.
Pourtant les reportages sont quelquefois très intéressants et mettent en valeur des initiatives qui font avancer dans le bon sens et qui ont été permises à l’intérieur de l’éducation nationale. On y montre un travail avec des “décrocheurs’ ou bien encore le Collège Clisthène à Bordeaux dont le principal fait une très bonne intervention sur le plateau.

Au final, cette après-midi de tournage me laisse un sentiment mitigé. Ca part un peu dans tous les sens et on y trouve de très bonnes choses notamment dans les reportages. Il est très difficile de filmer la pédagogie en train de se faire mais les journalistes l’ont réussi à plusieurs reprises. De même, on a réussi à donner la parole intelligemment aux élèves .
Les débats sur le plateau, m’ont semblé, eux, plus décevants mais étant complètement impliqué, il m’est difficile d’avoir du recul et de l’objectivité. Je note cependant que la tendance déjà à l’œuvre dans d’autres émissions qui consiste à faire venir des personnalités ayant un avis sur n’importe quel sujet se retrouvait avec Guy Roux que j’ai pu entendre ainsi disserter doctement sur l’orthographe et l’enseignement de l’anglais…

Avant de vous inviter à regarder cette émission pour vous faire votre propre opinion, il faut rajouter une dernière variable. L’émission a été enregistrée de 13h30 à 18h30 (avec une pause au milieu de 20 minutes). Quatre heures trente minutes d’enregistrement. Or, elle ne devrait faire à l’antenne que 2h30 (en fait 1h30 -ajout du 5/10/07). Il y a aura donc un montage avec des coupes importantes. C’est une variable essentielle et qui veut dire que si vous avez des chances de me voir, vous risquez de ne pas forcément beaucoup m’entendre…

En tout cas, ça m’a fait réfléchir (et pas seulement la lumière des spotlights…)

8 commentaires:

Anonyme a dit…

ça sera en effet interessant de voir la "direction" que donnera à cette émission le montage.
Personnellement, j'ai ma petite idée là-dessus ...

Watrelot a dit…

Disons que moi aussi j'ai des craintes, mais pour autant, il y a des reportages qui, eux, ne seront pas coupés et qui donnent à voir des pistes intéressantes d'innovation pédagogiques. On verra ainsi, me semble t-il le décalage entre l'animatrice et ses positions et les thèmes développés par l'équipe de journalistes.
A voir...

Nicolas ANOTO a dit…

en tout cas merci pour cette note très enrichissante sur les dessous d'une émission...absolument d'accord sur la surexposition des déclinologues de l'éducation (à mettre en parallèle peut-être aux déclinologues économiques)...en tout cas j'essaierais de voir l'émission!

Anonyme a dit…

Bonjour, Jean-François BOULAGNON
de Clisthène qui était à l'enregistrement de l'émission. Ce commentaire pour dire que j'ai trouvé Philippe Watrelot très courageux. Il me semble qu'il s'est retrouvé dans la position des gens qui affrontaient Le Pen à la télé à une certaine époque. C'est à dire expliquer les choses, expliquer que c'est plus complexe que ce qui est dit. C'est une position difficile et il l'a tenu pendant ........4 heures 30.
Dire aussi qu'il a raison : il faut affronter Brighellli et Le Bris. je l'ai déjà fait avec le premier dans un débat public à Bordeaux et j'ai désèspèrement essayé de le faire pendant l'émission? J'ai levé le bras dix minutes quand Le Bris a fait son numéro de martyr, maltraité par l'administration. Il faut savoir que ce gars bénéficie d'un mi temps du Ministère pour animer son association "sauvez les lettres" qui ne compte que 4000 membres. Bonjour le martyr! Quant à brighelli, il se réclame d'une appartenance au SNES depuis 30 ans et se présente commme anti-système (alors que le SNES se vante de "cogérer le système"), il a voté extrème gauche en 2002 et Sarkozy en 2007. J'ai essayé de l'écharper à Bordeauwx et je suis prêt à faire un article sur eux si les cahiers en ont envie. C'est de salubrité publique car la violence de leurs attaques est inouie. le bris : "on est proche de la libération, les collaborateurs devront payer", Brighelli : "je ne dis pas forcèment qu'on vit la m^me chose mais le degré d'inculture est tel que des kmers rouges n'auraient aucun mal à s'imposer,...."
au final de ctte réaction rapide, un nouveau bravo à Philippe Watrelot

Watrelot a dit…

Merci Jean-François,
J'ai été très heureux de te rencontrer à ce tournage. Ça aura au moins servi à ça...!
Je me demande encore pourquoi je me suis retrouvé sur mon fauteuil pendant toute la durée du tournage alors que j'ai eu l'impression de faire de la figuration... Car, comme je l'ai déjà écrit, je ne me fais guère d'illusion de ce qui restera de ces quatre heures de tournage quand tout sera réduit à 1h30... (car en fait, il s'agit d'une heure et demie, d'après mon magazine télé...). je crois qu'il ne restera qu'une intervention (ou deux) et pas forcément à mon avantage...
Merci en tout cas pour le compliment et pour l'énergie transmise.

Watrelot a dit…

Juste une précision . Sauver les Lettres c'est pas 4000 c'est 400 membres...

Anonyme a dit…

Bonsoir, professeur.

Je viens seulement d'éteindre mon poste de télévision, après 2h d'émission. Je suis bien heureux qu'il y ait eu plus de vos interventions diffusées que vous ne le pensiez,
J'ai admiré votre tact et votre élocution, vu votre position de " porteur de chapeau "

Certes, certaines personnes n'étaient pas très en rapport avec l'émission et l'image de l'éducation était asser négative,,. mais les idées exposées sont pour la plupart très intéressantes.

Anonyme a dit…

ch'tit rétrolien !

 
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