samedi, septembre 21, 2013

Bloc-Notes de la semaine du 16 au 22 septembre 2013



Programmes - Couacs ou ajustements ? – Ma classe, ma maison - Méditons -

Le bloc notes de la semaine est un peu énervé… Désolé pour ceux que ça va agacer. Les sujets d’énervements sont nombreux : la consultation sur les programmes du primaire, le débat “pédagogues” vs “républicains”, la réforme des rythmes scolaires, …
Heureusement pour se calmer, on peut se livrer à la méditation.



Les programmes : fausses ou vraies querelles ?
Pour Marie-Estelle Pech, du Figaro, Peillon rallume la guerre des programmes" (même si je sais bien que les titres ne sont pas choisis par les journalistes).
La période qui vient est en effet marquée par la consultation des enseignants du primaire sur les programmes scolaires. Mais il va y avoir aussi prochainement la mise en place du Conseil Supérieur des Programmes. Il sera composé de trois députés, trois sénateurs, de deux membres du conseil économique, social et environnemental et de dix personnalités qualifiées nommées par Vincent Peillon. «Un sujet comme les programmes peut mettre les gens dans la rue», aurait déclaré Vincent Peillon à ses recteurs lors de leur réunion de rentrée. Et la journaliste du Figaro de renchérir en considérant que cela risquerait de rallumer les “vieilles querelles entre les «pédagogistes» et les «Républicains» ”.
Premier énervement. Chère Marie-Estelle Pech, si vous voulez agacer inutilement (et décevoir) les enseignants comme moi qui vous lisent en trouvant que vous avez un avis mesuré dans un journal qui ne l'est pas toujours, continuez à utiliser le terme de "pédagogiste”.... Ce terme, très connoté, a été utilisé jusqu’à la corde par certains polémistes qui ne sont pas plus (et pas moins) républicains que le supposé “camp” adverse. La terminaison en “iste”, ça sent le sectaire, l’intégriste… et c’est évidemment péjoratif. Pour dépasser les querelles, il faudrait peut-être commencer déjà par ne pas disqualifier et caricaturer les positions.
Ce n’est pas l’interview de Jean-Rémi Girard qui va arranger les choses. Le président du SNALC interviewé par Le Figaro déclare en titre «L'idée suivant laquelle l'élève “construit son propre savoir” est absurde» (on va faire, là aussi, l’hypothèse qu’il n’est pas responsable du titre). Mais la suite de l’entretien ne laisse pas de doutes sur l’analyse de ce syndicaliste qui se déclare “apolitique” : “Nous estimons que les programmes Darcos, mis en place à l'école primaire en 2008, sont de qualité, simples et lisibles, même s'ils sont un peu optimistes. Dans cette lignée, nous attendons un recentrage sur les fondamentaux, l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul, conditions d'une scolarité réussie. ” Et il s’insurge contre ce qu’il appelle la “folie des compétences ”. Et il poursuit “Plus généralement, nous défendons la notion de construction ordonnée du savoir, de progressivité dans les enseignements et de chronologie en toute chose. Dans le second degré, on accuse les «républicains» d'être les partisans d'un cours magistral ne laissant pas place à l'interaction. Ce n'est pas le cas. Nous pensons simplement que le rôle du professeur est de transmettre les connaissances, et non de laisser les élèves se débrouiller face à des «tâches complexes», lors de «mises en activités», selon le vocabulaire pédagogiste.
Second énervement lorssque la caricature peut conduire, si l'on n'y prend garde, à la malhonnêteté. Où a-t-on vu ou lu qu’il faut laisser les élèves “se débrouiller” ? Où a t-on vu que l’élève construisait ses savoirs dans une sorte de spontanéisme naïf et un “laisser-faire” imbécile ? La pédagogie constructiviste c’est exactement l’inverse ! On apprend mieux lorsqu’on est acteur et non passif. Rendre l’élève acteur dans ses apprentissages ne signifie pas qu’on le laisse seul, bien au contraire. Il s’agit de l’encadrer et de l’accompagner bien plus encore que dans la pédagogie dite traditionnelle où on semble se préoccuper assez peu de la réception par les élèves des connaissances que les enseignants leur déversent. Il est d’ailleurs assez surprenant que l’on qualifie de « pédagogie explicite », ces nouveaux habits de la pédagogie traditionnelle en laissant entendre que le travail par compétences serait fondé sur l’implicite. C’est tout le contraire puisqu’il s’agit d’identifier le plus clairement possible ce qui est attendu de l’élève. Il y a quelque chose qui m’échappe…
On peut aussi s’énerver contre cette expression usée jusqu’à la corde de “fondamentaux”. Il y aurait alors des savoirs incontournables et d’autres qui seraient secondaires et inventés par des pédagogues fous pour faire perdre du temps et faire intentionnellement baisser le “niveau” ? Bien sûr, lire, écrire, compter sont essentiels mais on sait aussi que ce qui engage dans les apprentissages c’est lorsque cela fait sens et qu’il y a un projet. Par exemple, on sait que l’on apprend mieux à lire lorsqu’on comprend que c’est nécessaire pour écrire et pour communiquer. Il ne suffit pas d’apprendre par cœur pour que ce soit compris, durable et efficace…
Comme nous l’évoquions plus haut si Le Figaro produit tout un dossier sur les programmes c’est parce que le sujet va être à l’ordre du jour avec la désignation des membres du Conseil Supérieur des Programmes.. Espérons que la désignation de ses membres ne succombera pas à la tentation de la médiatisation et de la politisation et que le critère de désignation sera d’abord la compétence avant la renommée médiatique.
Par ailleurs, débute lundi, une consultation des professeurs des écoles sur une évolution des programmes du primaire. Dans sa chronique sur France Info du 17 décembre dernier, Emmanuel Davidenkoff nous rappelle que ce serait alors la troisième réforme en dix ans. Il nous précise aussi la méthode : il s’agit d’une première consultation avec transmission de la synthèse au futur Conseil supérieur des programmes (CSP). Puis deuxième consultation, cette fois sur la base des propositions de ce Conseil, pour application à partir de la rentrée 2014. Autre motif d’énervement : on voit fleurir ici ou là des protestations chez certains enseignants. Il s’agirait d’une “fausse consultation” où les jeux seraient déjà faits et où on discuterait dans le vide et où les enseignants seraient les “dindons” de la farce. Que n’aurait-on entendu s’il avait fallu discuter sur la base d’un texte ? Et a t-on entendu de telles protestations (à part celles des “désobéisseurs” qui, eux, ont été cohérents) lorsque les programmes de 2008 élaborés vraiment en catimini ont été imposés aux enseignants ? Pas un seul “glouglou” de protestation…

“Couacs” ou ajustements ?
Plusieurs articles récents ont été également consacrés à la réforme des rythmes et à la (re)mise en place de la semaine de 4,5 jours. Un article de la Gazette des communes titre sur les “Premiers « couacs » pour les nouveaux rythmes scolaires”. Dans Libération , on essaye aussi de faire le bilan trois semaines après la rentrée. Un autre article paru dans 20 minutes rend compte de la réception de la réforme par la deuxième fédération de parents d’élèves. Selon une enquête réalisée par la fédération des parents d'élèves PEEP à laquelle ont répondu 6.479 adhérents, deux tiers des parents interrogés (68%) ne pensent pas que la réforme des rythmes permettra aux élèves de mieux réussir à l'école.
Toutes ces critiques si rapides et ces jugements si définitifs provoquent un autre motif d’énervement. Sont-ce des “couacs" ou des ajustements ? En d 'autres termes, est-on capable en France de concevoir le “work in progress" ? Peut-on s’accommoder dans notre culture française d’une situation où tout n’est pas parfait lorsqu’on met en place un dispositif ? Peut-on aussi admettre que l’égalitarisme républicain ne soit pas immédiat et que si cette mise en place provoque des inégalités, elle peut aussi générer de l’émulation entre les communes grâce à la comparaison faite par les citoyens-électeurs ? Si l'on attend que tout soit parfait et égal pour tous pour se décider à faire, on accumule de tels préalables que ça s'apparente, au final, à une forme de procrastination collective… et on ne fait rien…

“Ma” classe, ma maison
Dans Libération du 20 septembre, on pourra lire un article pas si anecdotique que cela. La journaliste constate qu’avec la réforme des temps scolaires, certains enseignants sont obligés de laisser leur salle pour les activités périscolaires.Dans les écoles exiguës, en effet, la mairie a «réquisitionné» les salles de classe. Les enseignants sont alors priés de céder leur classe aux personnels de la ville soit le temps du midi, soit l’après-midi. Et cela n’est pas si évident. Elle note que les professeurs des écoles font parfois un lapsus : en parlant de leur salle de classe, ils disent «ma chambre», tant ils ont un attachement particulier à ce lieu qui représente beaucoup plus qu’un bureau. Dans ce reportage, trois instituteurs racontent le lien particulier qu'ils entretiennent avec leur salle de classe. On y lit un attachement très fort et un rapport presque intime avec ce lieu où on passe tant de temps. A tel point qu’on a du mal à y faire rentrer des personnes “extérieures”.
On peut s’interroger sur ce métier vécu sur un mode si “intime” et si individuel. Et le voir comme un frein au travail en équipe, à la co-intervention, et au final à l’évolution du système éducatif. C’est d’ailleurs à rapprocher du fait que, bien souvent, dans ce métier où on se met autant en “je” on en arrive à confondre sa personnalité et ses gestes professionnels. Et on en vient alors à considérer toute volonté de réforme comme une remise en cause de son propre travail et une critique de sa personne. Ce qui limite, on en conviendra, la capacité à avoir une analyse critique du système éducatif. Or, il faut le redire, on peut très bien, faire son métier le mieux possible dans un système qui dysfonctionne…

Oooooom…..
Mais ne nous énervons pas plus… C’est mauvais pour la santé. Dans une interview au Huffington Post , le moine bouddhiste proche du Dalaï Lama, Mathieu Ricard milite en faveur de la méditation. “Il faudrait enseigner la méditation, sous un autre nom, dès la maternelle et de manière totalement laïque et enlever totalement le label bouddhiste. La méditation, c'est vraiment une technique. Depuis 30 ans, le médecin John Kabat Zinn enseigne la réduction du stress grâce à la méditation de pleine conscience dans 300 hôpitaux aux États-Unis. C'est venu du bouddhisme, c'est maintenant totalement laïc. ”. Et il précise : “En dix semaines, grâce à trois séances de 30 minutes de méditation par semaine, on a réussi à stimuler les comportements pro-sociaux et altruistes chez les enfants. Les résultats sont incroyables.”.
Respirons profondément… et remplissons nous d’altruisme. Même envers les anti-pédagos et les conservateurs de tous poils…

Oooommmmm….
Bonne lecture….


Philippe Watrelot

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