samedi, octobre 19, 2013

Bloc Notes de la semaine du 14 au 20 octobre 2013



Retour sur un emballement – Sanctuaire - dentifrice – “elle seule” - Misère ! - .



Le bloc-notes de la semaine est consacré essentiellement à l’affaire Léonarda sous ses différents aspects. Pourquoi cet événement, absolument pas exceptionnel a t-il pris autant d’ampleur ? Que veut dire “sanctuariser” l’École ? Quel rôle a joué la mobilisation lycéenne ? L’intervention du chef de l’État peut-elle calmer l’incendie ou au contraire le relancer ? Les pauvres doivent-ils être aimables pour qu’on les aide ?



Retour sur un emballement
je n'ai pas compris tout de suite ce qui se passait, j'ai cru que c'était la mère de Léonarda qui voulait être rassurée et en fait, c'était le maire de Levier, commune de résidence de Léonarda, qui m'a précisé qu'il savait que nous nous rendions à Sochaux et il me demandait expressément de faire arrêter le bus. Dans un premier temps j'ai refusé en précisant que ma mission était d'aller à Sochaux avec tous les élèves inscrits pour cette sortie pédagogique (visite de lycées + visite de l'usine Peugeot). Le maire de Levier, Albert Jeannin, m'a alors passé au téléphone un agent de la PAF qui était dans son bureau : son langage était plus ferme et plus directif, il m'a dit que nous n'avions pas le choix que nous devions impérativement faire stopper le bus là où nous étions car il voulait récupérer une de nos élèves en situation irrégulière : Léonarda Dibrani cette dernière devait retrouver sa famille pour être expulsée avec sa maman et ses frères et sœurs ! Je lui ai dit qu'il ne pouvait pas me demander une telle chose car je trouvais ça totalement inhumain ... il m'a intimé l'ordre de faire arrêter le bus immédiatement à l'endroit exact où nous nous trouvions, le bus était alors sur une rocade très passante, un tel arrêt aurait été dangereux ! Prise au piège avec 40 élèves, j'ai demandé à ma collègue d'aller voir le chauffeur et nous avons décidé d'arrêter le bus sur le parking d'un autre collège (Lucie Aubrac de Doubs). J'ai demandé à Léonarda de dire au revoir à ses copines, puis je suis descendue du bus avec elle, nous sommes allées dans l'enceinte du collège à l'abri des regards et je lui ai expliqué la situation, elle a beaucoup pleuré, je l'ai prise dans mes bras pour la réconforter et lui expliquer qu'elle allait traverser des moments difficiles, qu'il lui faudrait beaucoup de courage... Une voiture de police est arrivée, deux policiers en uniforme sont sortis. Je leur ai dit que la façon de procéder à l'interpellation d'une jeune fille dans le cadre des activités scolaires est totalement inhumaine et qu'ils auraient pu procéder différemment, il m'ont répondu qu'ils n'avaient pas le choix, qu'elle devait retrouver sa famille [...] ”.
C’est ce récit (il me semble) de la professeure d’Histoire-Géographie qui accompagnait cette sortie scolaire qui a tout déclenché. Il est paru le 14 octobre 2013 dans le blog de RESF sur Médiapart. Ce témoignage émouvant a énormément circulé sur les réseaux sociaux (FaceBook, Twitter, etc.) et a grandement contribué à l’indignation collective. Les revues de presse de la semaine écoulée ont rendu compte de la montée de celle-ci. Le débat est aussi devenu politique, on a demandé une enquête sur les conditions de l’expulsion, beaucoup d’hommes politiques sont intervenus. Les lycéens se sont mobilisés contre cette expulsion et d’autres du même type. Et cette polémique a pris un nouveau tour puisqu’elle donné lieu ce samedi 19 octobre à une intervention de François Hollande supposée mettre un terme à toute cette affaire.
Raté...


Sanctuaire
Extirper une adolescente de 15 ans d'un bus scolaire pour l'expulser ensuite vers le Kosovo est un acte profondément choquant. Cela a suscité une émotion dans le pays, notamment chez les lycéens. Même si, selon un sondage BVA - Le Parisien, seuls 46 % des Français se déclarent choqués et 65 % sont opposés à une annulation de l'expulsion. Bien sûr, les résultats de l’enquête sont très différents selon le positionnement politique des personnes interrogées. Les sympathisants de gauche disent ainsi majoritairement (68 %) avoir été choqués par les conditions de l’interpellation de Leonarda. En revanche, 89 % des sympathisants de droite approuvent la position du ministre socialiste…
Qu’est-ce qui choque dans cette interpellation ? Que cela se passe à l’École. Car, à tort ou à raison, il faut bien reconnaître qu’il y a de nombreuses expulsions et que cela n’a pas, jusque là, provoqué de fortes mobilisations. Le récit fait par la professeure d’Histoire-Géographie nous donne à voir une jeune fille interpellée pendant un voyage scolaire sur le parking d’un collège Lucie Aubrac ( !) et presque devant ses camarades. C’est Mara Goyet, très inspirée en ce moment, sur son blog hébergé par leMonde.fr , qui résume assez bien la position de nombreux enseignants en affirmant que “l’expulsion est la négation même de l’éducation ”. Et elle argumente : “L'Ecole de la République, c'est toute sa grandeur, accueille tous les enfants, qu'ils aient des papiers ou non, qu'ils soient en règle ou en situation illégale. Elle leur offre une éducation, qui est un long processus, qui, année après année, édifie une culture, des savoirs, un lien fort avec le pays. Il n'est pas acceptable, pour des enseignants comme pour des élèves, que l'on retire du jour au lendemain à un enfant ce qui lui a été offert (il n'est pas responsable de sa situation illégale), qu'on le coupe de son établissement, de ses camarades, de sa scolarité, de ses professeurs (qui s'en sentent responsables), qu'on interrompe ainsi, brutalement, ce qui s'échafaude jour après jour. De fait, ce type de mesure est la négation même de l'enseignement et de tout ce qu'il suppose (temps, continuité, responsabilité, égalité, confiance). Evidemment, j'en ai conscience, cette conviction est délicate car elle rend l'application de la loi problématique, elle ouvre la porte à nombre de dérives, elle entre en contradiction avec quantité de considérations légales, pragmatiques, réalistes. Mais enfin, c'est ainsi.”.
Vincent Peillon n’a pas dit autre chose lorsqu’il a déclaré au sortir du conseil des ministres qu’il souhaitait qu’on “sanctuarise” l’École (voir le billet de Cl. Lelièvre sur ce sujet) . Car en effet, aujourd'hui, l’École n’est pas un sanctuaire. Si les interpellations au sein d'établissements scolaires ont toujours choqué l'opinion, il faut rappeler qu'elles ne sont en rien illégales. Un article du Monde nous rappelle que contrairement aux universités, les écoles, collèges et lycées ne bénéficient pas d'exemptions particulières ou d'un statut juridique à part qui les rendraient inaccessibles à la police. Ce même article nous redit aussi que le cas de Léonarda est loin d’être exceptionnel même s’il a bénéficié d’un traitement médiatique qui, lui, est inédit.
On peut même aller plus loin et s’interroger sur l’idée même de “sanctuaire”. Il peut y avoir beaucoup d’hypocrisie derrière cette appellation. S’il s’agit simplement de continuer à expulser des jeunes scolarisés mais à l’abri des regards… Car ce qui choque aussi c’est que cette expulsion vient après presque cinq ans de séjour en France. Autrement dit, Léonarda qui déclare avoir quinze ans a passé le tiers de sa vie et l’essentiel de sa scolarité en France. Et, même si elle n’est pas forcément la « bonne élève » modèle qu’on aurait souhaité, ce simple fait modifie la donne et contribue à rendre aberrant son “retour” vers un pays qu’elle ne connaît pas. La scolarité qu’elle a suivi est le signe d’une intégration en cours. C’est donc aussi le fonctionnement du droit d’asile et des procédures qui l’encadrent qui est à requestionner.

Dentifrice
Les lycéens, c’est comme le dentifrice, c’est facile de les faire sortir du tube, beaucoup plus difficile de les faire rentrer… ”. Citée dans un article de Luc Bronner du Monde daté du 11 février 2005, la blague est attribuée à un haut-fonctionnaire inconnu (?) de l'Éducation Nationale et souvent reprise depuis. Indéniablement, la mobilisation lycéenne a joué un grand rôle dans la réaction politique et notamment dans la prise de parole de François Hollande.
Pour un président qui avait fondé sa campagne électorale sur la jeunesse et l’éducation, la menace d’une mobilisation lycéenne apparaît comme un symbole négatif fort.
Ouvrons une parenthèse pour noter qu’Il y a des hasards de calendrier qui font sourire ou réfléchir. Cette dernière quinzaine c'étaient donc les semaines de l'engagement des lycéens...! Le site du ministère nous apprend que “ chaque lycéen de France bénéficiera d'une séance de formation sur l'engagement citoyen et la participation des élèves au lycée. ”. Les séances de travaux dirigés se sont faites en extérieur… Et les appels au calme et au retour en classe du Ministre Peillon n’ont eu que peu d’effets.
Deuxième effet “pas cool” de cette mobilisation on sait aussi d’expérience que les manifestations lycéennes débouchent souvent sur des débordements. Il ne s’agit évidemment pas du fait des lycéens mobilisés et motivés mais des jeunes (en lycée ou non) qui profitent de cette situation anomique pour casser et “dépouiller”. Enseignant en banlieue depuis très longtemps, je peux témoigner que, loin de l’angélisme et sans catastrophisme excessif, c’est un schéma malheureusement classique. Il ne manquerait plus alors que la mobilisation lycéenne se double d’émeutes urbaines et d’une crise de banlieues qui ne demande qu’à s’enflammer pour que la situation du gouvernement empire encore plus… !

elle seule…
A la suite de cette affaire, une enquête administrative a été diligentée au sein du ministère de l’Intérieur pour savoir s’il n’y avait pas eu de faute dans son déroulement. C’est la remise de ce rapport (lisible et téléchargeable sur le site du Ministère ) qui a déclenché le retour précipité de Manuel Valls de son déplacement aux Antilles. Et c’est ce même rapport sur lequel s’appuie la brève intervention télévisée du président de la République le samedi 19 octobre à 13h. Lui, qui répugne à intervenir à chaud, comme nous le rappelle un article du Monde s’est vu contraint de prendre la parole et de s’engager dans cette polémique qui touche un partie de son électorat et de la jeunesse.
A ceux, majoritaires dans l'opinion à en croire les sondages, qui réclament avant tout la "fermeté" et à quelques mois des municipales, le président de la République a donné des gages : "Il n'y a pas eu de faute, la loi a été respectée", a-t-il déclaré. Mais il concède l'annonce d'une prochaine "instruction" prohibant toute interpellation d'enfants dans "le temps scolaire", c'est-à-dire "aussi bien à l'école, dans le cadre de sorties ou dans les centres de loisirs". Voilà pour la “sanctuarisation”. Mais comme nous le disions plus haut, cela ne tranche pas le débat (qui n’a en fait jamais été posé) sur le sort des élèves étrangers en cours de scolarité.
S’il n’y a pas eu de faute et que le rapport conclut au respect de la loi, les deux auteurs notent cependant un manque de discernement dans l’application des règles. Le rapport insiste aussi sur le fait que les forces de l'ordre n'ont pas, à ce sujet, saisi leurs hiérarchies et que le préfet n'a été averti que tardivement. C’est sûrement en s’appuyant sur cette partie du rapport que F. Hollande propose une mesure pour le moins ambiguë. Il a en effet indiqué que l'adolescente pourrait poursuivre sa scolarité en France si elle en faisait la demande, mais que sa famille, dont les demandes d'asile ont été déboutées, ne pourrait pas suivre. "Si elle le demande, un accueil lui sera réservé, à elle seule", a insisté le président de la République.
Cette décision qui cherche à ménager la chèvre et le chou ne semble pas apaiser les choses. Elle est l’objet de nombreuses critiques politiques que nous ne développerons pas ici. Les questions pratiques sont elles aussi nombreuses. Et ses frères et sœurs, eux aussi scolarisés en France quel sera leur sort ? Une jeune fille de “quinze ans” peut-elle être séparée de ses parents ? Et le sort des autres élèves expulsés (et notamment Khatchik, renvoyé en Arménie ) est-il réglé ?
Je ne sais plus quel est l’homme politique qui avait dit que gouverner ce n’est jamais choisir la meilleure mais la “moins pire” des solutions. Certes, mais ici, cette “synthèse” n’apparaît-elle pas plutôt comme le signe d’une indécision ? Une Valls-hésitation ?

Misère !
Ça se complique…
Car ce serait plus simple pour la bonne conscience si les gens qui sont les “héros” de cette affaire étaient sympathiques et hors de tout reproche. Ben non, ce n'est pas le cas...
Le rapport le montre bien . Le père de famille a menti, il vient de l’avouer. Il ne semble pas avoir donné suite aux propositions d’embauche qui lui avaient été faites. Il aurait été aussi violent à l’égard de sa femme et de ses enfants. Quant à la jeune Léonarda, le rapport indique (page 17) que "selon les données recueillies par la mission, les absences de Leonarda au collège sont de 66 demi-journées en 6e, 31 en 5e, 78 en 4e et 21 1/2 depuis le début de l'année scolaire actuelle." Et le rapport indique même (page 9) “D’après les déclarations recueillies par la mission, la jeune fille découchait régulièrement. ”.
Salauds de pauvres criait Jean Gabin dans “La traversée de Paris”. Il faudrait que tous les pauvres soient exemplaires, dignes, propres, probes, beaux... comme dans ces romans édifiants du 19e siècle. Mais la misère n’est pas forcément exemplaire. Tout comme les élèves en échec ne sont pas forcément aimables….
Car, ces mensonges, ces entrées clandestines, ces expulsions,… elles sont d’abord le produit de la misère. Et le repli sur soi et la crainte de l’étranger sont aussi le produit de la crise et d’une sorte de misère économique mais aussi morale et intellectuelle.
C’est pourquoi, il est préférable de finir sur une note sinon d’espoir, du moins un peu plus optimiste en rappelant que cette semaine était aussi celle de la  27e journée du refus de la misère organisée par ATD-Quart Monde. On pourra lire sur le site des Cahiers Pédagogiques un reportage sur cette initiative et où on insiste en particulier sur le rôle que doit jouer l’École dans cette lutte essentielle. Rappelons les mots de Joseph Wresinski, le fondateur de cette journée, loin des égoïsmes et des peurs de l’autre « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »

Bonne Lecture et à bientôt (après les vacances)



Philippe Watrelot

samedi, octobre 12, 2013

Bloc-Notes de la semaine du 7 au 13 octobre 2013



Programmes – Tragédie de Racine – Les rythmes et les médias (suite) - .



L’actualité éducative de la semaine reste très riche. Après la question des “rythmes” (sur lesquels nous reviendrons), Vincent Peillon ouvre un nouveau front avec la mise en place du Conseil Supérieur des Programmes. Dans une semaine marquée par des sondages très favorables au FN, la presse s’intéresse aussi aux tentatives de séduction de ce parti en direction des enseignants.



Les programmes au programme
Le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) était une des instances prévues dans la loi de refondation de l’École. Vincent Peillon, dès sa prise de fonction, a répété qu’il fallait plus de clarté et de rigueur dans la construction des programmes. L’exemple ultime étant les programmes du primaire de 2008 concoctés dans le secret des officines et dont on sait pas vraiment qui en sont les auteurs. L’enjeu était donc de lever les ambigüités et de permettre une évolution des contenus qui aille dans le sens d’une réduction des inégalités. Au passage, l’attente de cette instance a servi de prétexte à certains pour critiquer le ministre. On lui reprochait de ne pas avoir tout de suite annulé et remplacé les fameux programmes de 2008. Mais dans ce cas, on lui aurait alors demandé de faire ce qu’il reprochait à ses prédécesseurs. Comment souhaiter une rigueur des procédures de confection des programmes quand on commence par faire l’inverse ? Le ministre le redit dans une interview au journal Le Parisien Question : Pourquoi créer un Conseil supérieur des programmes? “ Pour définir ce que les élèves doivent savoir au XXIe siècle. Afin que les programmes soient légitimes, il faut que l’on puisse comprendre comment ils sont faits. Le CSP les élaborera dans la transparence en associant des compétences universitaires, des professionnels de terrain, des spécialistes, la représentation nationale et celle de la société civile.
La constitution du CSP a donc été annoncée vendredi. Depuis plusieurs jours, des rumeurs circulaient. Parmi celles-ci, figurait le nom de Laurence Parisot, ancienne présidente du Medef. Info ou intox ? Quoi qu’il en soit, son nom (une provocation pour toute une partie du monde enseignant) ne figure pas dans la liste finale. Celle-ci est constituée de 10 personnalités qualifiées nommées par le ministre, trois députés, trois sénateurs et deux représentants du Conseil économique social et environnemental. On pourra lire dans le Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale l’arrêté de nomination et dans le dossier de presse sur le site du M.E.N. une présentation plus complète de ses membres et la lettre de mission du CSP et celle de son président, Alain Boissinot. Sur son blog d’ÉducPros Claude Lelièvre nous apprend que ce conseil de 18 membres avec une stricte parité ( 9 femmes et 9 hommes ) comporte une grande majorité d’enseignants puisque seules deux personnes n’ont pas exercé cette profession. Parmi les 13 enseignants ou enseignants-chercheurs, on ne compte que deux instituteurs (à l’origine) .Les autres sont pour l’essentiel des enseignants chercheurs ou des professeurs agrégés. Beaucoup d’entre eux ont été impliqués à des degrés divers dans la concertation pour la refondation de l’École durant l’été 2012.
Le CRAP-Cahiers Pédagogiques lorsqu’il avait été consulté et auditionné à l'assemblée nationale et au Sénat au moment de la préparation de la loi, avait proposé que 5 des 10 membres nommés par le ministre soient issus des différents niveaux d'enseignement (maternelle, primaire, collège, lycée général, enseigt pro, université). Nous n'avons pas été entendus sur ce point (comme sur bien d'autres). Mais ce n'est pas une raison pour jeter la suspicion sur les membres de ce CSP qui sont de bons connaisseurs du système éducatif.
Sur cette critique qui ne manquera pas d’apparaître sur l’origine des personnalités qualifiées, il faut rappeler que leur mission n'est pas de fabriquer eux-mêmes les programmes mais de définir des orientations générales et une charte présidant à leur élaboration. Ils nommeront ensuite des groupes d'experts pour chacun des programmes en question. Comme premier chantier, le CSP aura pour mission de «redéfinir les missions de l’école maternelle» et «la mise en application est prévue pour la rentrée de l’année scolaire 2014-2015», a annoncé le ministère peu avant l’installation de cette nouvelle instance. Au-delà, le CSP révisera les programmes de l’élémentaire au collège, puis du lycée.
Puisque la mission du CSP est aussi de définir une “charte” des programmes, peut-être pourrait-on leur suggérer de mettre ceux-ci au régime ? Car les programmes "à la française" sont effectivement très lourds et très procéduriers (comme si on ne faisait pas confiance aux enseignants). On est encore dans le fantasme de la 3ème République où le ministre de l’éducation pouvait se vanter de savoir ce que faisaient tous les élèves de France à la même heure. Aujourd’hui, ça a pris une autre forme mais ce fantasme est toujours présent à travers les procédures (le LPC et toutes les usines à case) et les instructions officielles que produisent les hiérarchies intermédiaires (inspecteurs, directeurs…) pour se convaincre d’exister. Toutefois on ne peut pas faire l'économie d'un énoncé des objectifs de la Nation pour sa jeunesse. Un souvenir personnel. Je me rappelle encore de ma stupeur quand on m'a présenté l'ensemble des programmes de tous les niveaux de la scolarité obligatoire en Nouvelle Zélande. Ca tenait en une mince brochure ! Cette brochure définissait les finalités, des grandes orientations mais c'était ensuite aux enseignants de mettre cela en oeuvre collectivement dans leurs établissements. Ça s'appelle une logique curriculaire, une logique centrée sur ce que les élèves apprennent et non sur ce que les enseignants souhaitent transmettre. Utopie ? Peut-être. Mais face à l’aggravation des inégalités au sein de l’École, il faut peut-être cela pour avancer plutôt que de se contenter de l'empilement et de l'aménagement d'une tuyauterie (les programmes actuels) très ancienne et qui fuit de partout…
Pour compléter la réflexion sur les programmes, on pourra aller lire deux prises de position. L’une du collectif CORPUS qui souhaite une véritable refondation des programmes scolaires et l’autre du collectif “Socle commun, promesse démocratique” (CRAP-Cahiers Pédagogiques, Education et Devenir, SE-Unsa et Sgen-CFDT). Des positions qui ne sont pas incompatibles et qui témoignent l’une comme l’autre d’une volonté de travailler de manière constructive à une refonte des contenus enseignés.

Tragédie de Racine
Le FN drague les enseignants. Ce samedi 12 ocotobre se tenait la conférence de presse du Collectif "Racine”, un club d'une quarantaine d'«enseignants patriotes» qui vise à «redresser» l'école. Un article du Figaro nous apprend que la plupart des membres de ce collectif sont issus de la gauche chevènementiste et reprennent la vieille rengaine nostalgique d'une école d'autrefois. Une école qui ne croit ni à l'intégration ni à l'éducabilité de tous. Une école où les apprentissages reposent sur la parole incontestée du maître. Une école qui exclut et sélectionne très tôt et naturalise et individualise la difficulté scolaire.
On peut se dire cependant qu’on fait quand même beaucoup de bruit pour une quarantaine de professeurs. N’y a t-il pas un effet de loupe ? Le FN va t-il attirer de nouveaux électeurs ? La question est complexe. Les enseignants ne sont pas hors de la société et ceux-ci peuvent être tentés par ce vote extrême. Même si la majorité des enseignants reste un électorat de la gauche. Mais il faut, là aussi, se méfier du décalage entre les discours et les actes. Le problème c'est que bien des enseignants peuvent déclarer qu'ils ne partagent aucune des valeurs du Front National. Mais qu'en est-il des pratiques qui ne sont rien d'autre que des valeurs en action ? On peut très bien avoir, malheureusement, des enseignants avec des discours « de gauche » qui auront des comportements très autoritaristes et méprisants en classe, considèreront que “le collège unique, ça va bien cinq minutes mais que si on pouvait se débarrasser des gêneurs le plus tôt possible ce serait mieux” et qui déclarent en conseil de classe à propos d'un élève qu'il est "irrécupérable"...C’est peut-être dans cette lepenisation des esprits et dans cette difficulté à questionner les pratiques qu'est la véritable fracture. Bien plus que dans les discours des uns et des autres. Mais je suis un incorrigible pédago....

Les rythmes et les médias
C'est un déluge qui s'est abattu dans les médias sur la réforme des rythmes scolaires mise en œuvre à la rentrée. En répercutant ces critiques, les radios, les télévisions ont-elle joué leur rôle de vigies face au gouvernement ou bien ont-elles servi de caisse de résonance de certains parents de certains milieux - en l'occurrence, les plus aisés (et qui ont accès aux médias) ? C’est ce questionnement, que nous formulions déjà la semaine dernière que l’on retrouve dans une récente émission d'Arrêt sur images. Daniel Schneidermann y interroge Marie-Estelle Pech, journaliste éducation au Figaro, Maryline Baumard, journaliste éducation au Monde, auteure de "L’école: le défi de la gauche". Jacques Salvator, maire d'Aubervilliers, Pierre-Marie Lasbleis, parent d'élève opposé à la réforme sur Aubervilliers. Dans le papier qui accompagne la vidéo, l’animateur d’Arrêt sur Images indique il semble que certains spécialistes éducation n'aient pas pu travailler dans leur rédaction comme ils l'entendaient. "J'ai dû me battre dans ma rédaction pour raisonner des rédacteurs en chef qui voulaient en faire énormément sur les critiques envers la réforme" nous raconte un journaliste, sous couvert d'anonymat. Des chefs qui se fondaient sur leur propre expérience : "mon fils est fatigué, c'est à cause des rythmes scolaires", et demandaient aux journalistes de faire des reportages dans ce sens. Le spécialiste éducation tentant de son côté de relativiser, la fatigue des enfants étant courante trois semaines après la rentrée, réforme ou pas, nous précise-t-il. "Pendant une semaine, il n'y avait pas moyen de prendre du recul et de parler de l'intérêt pédagogique de la réforme", déplore-t-il. ” . Toutefois d’autres journalistes notent qu’au contraire, il y aurait eu dans certains médias l’incitation inverse à mettre en avant les aspects positifs de la réforme.
Alors le retour à la semaine de quatre jours et demi est-elle une construction médiatique ? Oui et non. Oui, car il y a bien eu un emballement et une instrumentalisation politique, c’est indéniable. L’effet de loupe a joué à plein et a mis en évidence les “couacs” de la réforme. Les ratés, les dysfonctionnements, c’est bien plus médiatique que les trains qui arrivent à l’heure. Mais cela veut-il dire pour autant que tout fonctionne bien ? Non. Il y a des critiques constructives qui visent à améliorer le système. Pour cela il faudra dépasser les deux écueils de l’esprit de critique et de la méthode Coué. Et passer à une approche constructive où l’on se fait confiance et où essaie d’inventer pour le bien de tous les enfants.
Tiens, c’est finalement la même chose que pour les programmes…

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

samedi, octobre 05, 2013

Bloc-Notes de la semaine du 30 septembre au 6 octobre 2013



- Construction médiatique – Amnésie et cynisme politique - Brouillage des cartes- Procrastination collective - .



Un bloc notes entièrement consacré au sujet des rythmes scolaires. C’est un cas d’école intéressant pour analyser la manière dont se construit l’opinion sur l’école . D’autant plus quand cela se complique d’une politisation excessive et manipulatrice. C’est aussi le symptôme d’un brouillage des cartes dans ce jeu malsain et le signe d’une réelle difficulté à envisager les réformes dans notre beau pays…

Une construction médiatique
4,5 égale zéro ?
Voilà une équation avec une inconnue. Et cette inconnue est politique. La réforme des rythmes ou plutôt devrait-on dire le retour à la semaine de quatre jours et demi continue à occuper les Unes des journaux. Depuis que l’UMP et en particulier son président Jean-François Copé, a choisi d’en faire un thème de campagne des futures municipales, le débat a même pris une autre ampleur. Les différentes revues de presse de la semaine ont abondamment traité ce sujet et rendu compte des principaux articles et prises de position. On peut donc essayer de tirer quelques enseignements de cet emballement politico-médiatique.
La tonalité générale sur les « rythmes » dans les médias est assez pessimiste et s’auto-alimente. On me dira qu’il est logique que la presse parle d’abord de ce qui ne marche pas. Mais on attend aussi des journalistes qu’ils prennent un peu de recul et de précaution sur des affirmations assénées avec force mais qui ne font pas une argumentation. L’honneur de cette profession est de proposer une mise en contexte avec de la nuance et de questionner les évidences. À l’ère du buzz et des stratégies de communication c’est encore plus indispensable.
Et c’est peut-être la première leçon qu’on peut tirer du traitement politique et surtout médiatique de ce sujet. Qu’il y ait de la mauvaise foi pour les politiques, cela semble malheureusement logique, mais que certains éditorialistes dont on ne connaissait pas jusque là l’intérêt pour les questions éducatives ne se questionnent pas sur de fausses évidences est plus surprenant. L’auto-proclamation de Jean-François Copé en spécialiste de la chrono-biologie aurait du pourtant inquiéter. Affirmer que “les enfants sont fatigués” est un peu court. Étant donné que le passage à la semaine de quatre jours et demi ne concerne aujourd’hui que 20% des enfants, la moindre des choses aurait été de se demander si ceux-ci sont plus fatigués que les 80% restants. Et ne sont-ils pas toujours fatigués à cette période de l’année ? Et JF Copé, il n’est pas un peu fatigué aussi ? Affirmer dans la foulée que c’est contraire à l’intérêt de l’enfant ne surprendra pas non plus. Les enfants, c’est depuis toujours que les grandes personnes parlent en leur nom… On connaît bien l’effet de lampadaire : on met la lumière sur les endroits où ça ne va pas et les autres endroits restent dans l’ombre. Lorsqu’il s’agit en plus de la capitale où la logique médiatique est maitrisée par tous et y compris par les responsables syndicaux enseignants, il faut être encore plus vigilant pour prendre du recul.
Une des questions à se poser lorsqu’on s’intéresse aux médias est celle de la mise à l’agenda. Qui décide de ce qui va faire l’objet d’un traitement médiatique ? Qui sont ceux qui maîtrisent ce mécanisme et ont le pouvoir d’être entendus ? Durant la semaine, Maryline Baumard du journal Le Monde a signé deux articles sensés et nuancés qui vont à contre-courant de la tendance générale. L’un s’intitule Rythmes scolaires : les dix raisons de la colère et remet en perspective les éléments du débat. Mais c’est surtout le deuxième qui nous intéresse ici. Dans Une réforme à contretemps ? elle considère que celle ci est symptomatique du fractionnement de la société : “la France qui crie haro sur la réforme des rythmes scolaires n'est pas celle pour qui cette réforme a le plus de sens ” Elle profite plus aux plus défavorisés mais moins à ceux de la classe moyenne et supérieure qui avaient déjà une organisation variée du temps de leurs enfants. Or, ce sont ces derniers qui ont la parole ! Et elle continue son questionnement “Mais pourquoi a-t-on une gauche incapable de communiquer sur le sens de ce qu'elle fait lorsque – pour une fois – elle mène vraiment une politique de gauche ? Simplement parce qu'elle est écartelée entre ses convictions et son électorat. Qui est l'électorat socialiste : les parents de Marie ou ceux de Kévin ? En 2012, 54 % des ouvriers ont voté Hollande, contre 57 % des cadres et professions intellectuelles supérieures. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le sujet a été aussi mal vendu. Selon ce même sondage, personne, dans le public interrogé, ne fait de lien entre la réforme et l'opportunité de faire une école plus efficace ! ”. Cette approche a été reprise par plusieurs commentateurs. A commencer par notre chroniqueur Lionel JeanJeau, qui, sur son blog, dans “Rythmes des élites, rythmes du peuple s’intéresse à l’origine sociale des internautes qui contribuent aux articles de témoignages renforçant l’opinion négative sur cette réforme.
C’est aussi le cas de Daniel Schneidermann dans un billet sur Rue89 . En voici un extrait : “Alors, faute d’une enquête exhaustive, il est permis de se demander pourquoi les témoignages des mécontents, dans les médias, « remontent » plus facilement que ceux des satisfaits. Première hypothèse, optimiste (pour les médias) : parce qu’il y a davantage de mécontents que de satisfaits. Dans cette hypothèse-là, les médias reflètent simplement la réalité, et jouent pleinement leur rôle. Deuxième hypothèse : parce que les mécontents ont davantage de raisons de prendre la plume ou le téléphone, pour exprimer leur mécontentement à « Laurent ». Ce biais est connu. On sait bien que le courrier des lecteurs (jadis) ou les forums et commentaires (aujourd’hui) ne reflètent pas l’opinion générale. Troisième hypothèse, accablante : parce que les parents de Louis et Marie, eux-même « déboussolés » de se voir dépossédés du choix des activités périscolaires, ont davantage de moyens de se faire entendre que la maman de Kevin. Davantage de copains journalistes, davantage de temps pour répondre aux questionnaires du Monde, davantage de mots pour le dire. Autrement dit, contre son électorat (aisé), le PS aurait fait par inadvertance une vraie réforme de gauche, favorable aux classes populaires. On comprend qu’il soit urgent de tout remettre à plat. ”. A noter que sur ce registre de l’analyse critique des médias, Acrimed dans un billet intitulé “chronique d’une amnésie médiatique arrive à des conclusions opposées même si pour eux aussi “l’information sur la réalité du monde de l’éducation est la victime de petits jeux partisans et d’a priori idéologiques. ”.
Pour clore sur ce sujet du traitement médiatique, lorsqu’on milite depuis de nombreuses années en affirmant que l’école est l’affaire de tous”, on pourrait se réjouir que les questions éducatives soient un sujet de débat et d’actualité. Mais pour qu’un réel débat citoyen ait lieu, encore faut-il qu’il soit documenté. Il y a en France plus de 60 millions d’“experts” de l’éducation, mais si tout le monde se croit autorisé à parler des questions éducatives il faut aussi un peu de rigueur et de nuance sur ce sujet comme sur tous les autres.

Amnésie et cynisme politique
Le titre de l’article d’Acrimed parle d’“amnésie médiatique” mais on peut considérer aussi qu’elle est politique. Un éditorial du Monde parle même de “triomphe du cynisme”.
Nous évoquions déjà dans le Bloc-Notes de la semaine dernière , l’offensive concertée de l’UMP : déclarations de Jean-François Copé, site de mécontents ouvert par NKM, tribune de JM Fourgous . La contre offensive s’organise. On peut signaler une réaction de Bruno Julliard dans le Huffington Post à l’initiative de Nathalie Kosciusko-Morizet et une tribune collective de députés PS et EELV dans Libération . Le ministre lui même est à la manœuvre et est très présent dans les médias pour répéter que la réforme se fera et faire aussi quelques annonces comme la pérennisation de l’aide aux communes.
Plus surprenant, il reçoit le soutien de deux anciens ministres de l’éducation de droite. Xavier Darcos et Luc Ferry ont exprimé vendredi leur soutien à la réforme des rythmes scolaires. Pour Xavier Darcos, ministre de l’Education de 2007 à 2009 dans le gouvernement Fillon et qui ne manque pas de culot puisque c’est lui qui, en 2008, réduisit la semaine scolaire à quatre jours, “ le samedi matin devait être rendu aux familles” et “ ensuite la semaine devait s’organiser comme on l’entendait ”, à la libre appréciation de chaque école. Comment dire… Ça ressemble un peu à une réécriture de l’histoire puisque la raison principale (Luc Ferry avait vendu la mèche dans une interview) était surtout de faire des économies sur le temps de travail des enseignants en le libérant pour de l’aide et en supprimant ainsi les RASED. Lui aussi a la mémoire courte…
Sur ce sujet de l’amnésie politique, il faut lire interpellation de Mara Goyet sur son blog : “Tout d'abord, pour commencer, l'UMP ferait mieux de la fermer. Question de dignité. De vérité. Qui a supprimé le samedi matin ? Eux. Après avoir bombardé l'école pendant cinq ans, les voilà en train de chipoter sur les modalités de la reconstruction. Tout se passe comme si après avoir cassé la gueule de l'Education nationale, ils trouvaient que la chirurgie réparatrice manquait de goût. C'est dégueulasse, indécent, EXASPÉRANT. Que les morveux se mouchent au lieu de balancer des tracts et d'emmerder Vincent Peillon (ok, ça s'appelle la vie politique et les élections municipales). ”. Voilà qui est envoyé… On n’oubliera pas aussi la saine colère d’Antoine Prost dans l’émission Rue des Écoles sur France Culture animée par Louise Tourret . Celle ci signe aussi un article sur Slate.fr où elle remarque que Jean-François Copé dans son intervention a repris mot pour mot les mots d’un tract du SNUipp-Paris. On peut donc dire que l’UMP est allé faire du “copé-collé” sur un tract du SNUipp !

Brouillage des cartes
Cette politisation excessive du débat aboutit donc à un brouillage des frontières syndicalo-politiques. Certaines positions syndicales jusqu’au-boutistes et non dénuées de visées électoralistes (les élections professionnelles sont l’an prochain) font d’une certaine manière le jeu de la droite. Comme nous le pointions dans une précédente chronique, ce brouillage rend difficile une position nuancée.
On le voit assez clairement avec l’éditorial assez embarrassé de Maurice Ulrich dans l'Humanité. : “Le ministre, en revanche, serait mieux inspiré d’écouter réellement ceux qui, élus, parents ou enseignants, ne sont pas a priori hostiles à cette réforme ou à lui-même. De regarder en toute lucidité là où ça marche et là ou ça ne marche pas, pour quelles raisons, et de dresser à partir de là une véritable feuille de route, dans la concertation et sans précipitation.
Comme nous le pointions dans une précédente chronique la politisation brouille le message des professionnels qui pour certains s’inquiètent sincèrement de la mise en œuvre de cette réforme et cherchent à l’améliorer. Y a t-il encore de l’espace pour une critique constructive ?

Procrastination collective
Mais combien sont-ils, ces partisans d’une critique constructive ? N’y a t-il pas chez beaucoup une difficulté à voir le bien commun avant l’intérêt catégoriel ? N’est-ce pas un peu tôt pour juger d’une réforme ? Voilà des questions que je voudrais évoquer pour finir. Elles nous en disent long sur notre culture française et notre difficulté à envisager les réformes.
Il y a deux semaines, nous nous interrogions sur l’absence de culture du “work in progress” et il est vrai que la lecture rapide de la presse et des discours où on ne cesse de demander un “moratoire” dans une analyse très pessimiste et où tout semble déjà tranché nous confirme ce défaut français où il faudrait attendre que tout soit parfait avant que l’on se lance… Cette posture d’attente est aussi révélatrice d’une organisation restée très centraliste et d’un jacobinisme déresponsabilisant. On attend beaucoup d’ “en haut”, peut-être trop, alors que cette réforme suppose en effet une mise en œuvre décentralisée et des initiatives locales.
L’enseignant de sciences sociales que je suis peut aussi y voir l’effet de ce que l’on appelle les prophéties auto-réalisatrices. Si tout le monde pense que ça va mal se passer, il y a peu de chances que ça se passe bien… Sans vouloir engager de polémiques, il me semble que c’est un phénomène particulièrement à l’œuvre dans certaines écoles parisiennes notamment mais aussi chez certains responsables de collectivités locales. On peut même au delà du pessimisme, parler de mauvaise volonté…
Un article du Monde nous montre bien que partout, l'acceptation ou le rejet de la réforme par les professeurs ont pesé sur sa bonne mise en œuvre. "Ça marche si les enseignants s'engagent à fond", confie Francis Vercamer, maire UDI de la ville d'Hem (Nord), 18 500 habitants au journaliste. "Il reste des réglages à faire, mais attention à ne pas tirer de bilan un mois après la rentrée.". Sur le terrain, le pessimiste ne l'emporte donc pas toujours. "Evidemment qu'il y a un surcoût, mais c'est aussi un investissement consenti en faveur de nos jeunes", observe le maire de Messeix, Gilles Battut dans le même article. "En milieu rural, où on ne peut pas toujours leur offrir l'ouverture culturelle qu'on voudrait, on mise, avec cette réforme, sur une meilleure qualité d'enseignement. Dommage que les médias se fassent d'abord le relais de ce qui ne marche pas, et moins de ce qui fonctionne..."
Je maintiens donc qu'il est un peu tôt, après trois semaines, pour conclure à un échec ou une catastrophe tout comme à un succès d'ailleurs. C'est une question de rigueur intellectuelle. Mais celle ci comme nous l’avons noté plus haut n'est pas forcément la mieux partagée aussi bien dans le monde des médias que dans l'univers syndicalo-politique.
L’enjeu de la réforme des rythmes tout comme celle des autres évolutions de l’École tient d’abord à l’engagement des acteurs. Plutôt que d’accumuler les préalables et de sombrer dans l’esprit de critique qui s’apparente à une forme de procrastination collective, plutôt que d’accumuler les procédures et la méfiance, il faut se redonner collectivement de la capacité d’agir. Refondation de l’école ? passons aux actes !.

Bonne lecture et bon week-end.



Philippe Watrelot
 
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