dimanche, décembre 22, 2013

Bloc-Notes de la semaine du 16 au 22 décembre 2013



- Cadeaux - Toboggan – Questions d’hiver – au pied du sapin-



Bloc notes de Noël. Avec un retour sur l’annonce des créations de postes juste avant la trêve des confiseurs. Elle clôt heureusement une période difficile pour Vincent Peillon. On parle en effet de façon insistante de son départ. Le bloc notes revient aussi sur les futures vacances de printemps (2015) avec la pression du tourisme blanc sur les dates de celles-ci. Et puis on s’intéresse aussi à ce que les enfants vont trouver au pied du sapin. Au fait, bonne fin d’année !


Cadeaux
Noël est la période des cadeaux. Et l’annonce des créations de postes dans l’enseignement, juste avant la trêve des confiseurs, clôt heureusement une période difficile pour Vincent Peillon.
Alors que la plupart des ministères sont appelés à faire des économies, 4 341 postes d’enseignants vont être créés dans le primaire et le secondaire publics à la rentrée 2014. Et au total dans la loi de finances 2014, 8.804 postes équivalent temps pleins ont été budgétés, en tenant compte aussi de 345 postes dans le privé, 350 postes d'auxiliaires de vie scolaire, et 3.459 postes pour financer le temps de formation des enseignants stagiaires des Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé). Quelque 2 355 postes sont réservés au primaire, la priorité de la «refondation de l’école» engagée par Vincent Peillon. Selon le ministère, la moitié des créations de postes d’enseignants sera absorbée par la hausse démographique, 38 000 écoliers supplémentaires étant attendus. L’autre moitié sera réservée à des dispositifs comme le «plus de maîtres que de classes» (des enseignants surnuméraires dans les écoles sensibles), à des postes de Rased (les réseaux d’aide aux élèves en difficulté) ou encore aux mesures sur l’éducation prioritaire que le ministre devrait annoncer en janvier dans le cadre de la réforme des zones d’éducation prioritaire (ZEP). Dans les académies, nous apprend une infographie du journal Le Monde , les variations de moyens sont importantes. Dans la répartition des 8 804 emplois votés au budget 2014, l'académie de Créteil récupère à elle seule 15 % des nouveaux moyens d'enseignement, avec 380 postes en primaire et 233 en collèges et lycées. D'autres académies à la démographie moins dynamique n’ont pas de créations de postes. C'est le cas de Reims , de Nancy-Metz et des académies d'Outre-mer. Paris – traditionnellement très bien dotée – affiche seulement dix postes supplémentaires pour ses écoles maternelles ou primaires et quatorze pour ses collèges ou lycées. En revanche Versailles, Lyon et Grenoble ou encore Toulouse ont droit à des créations importantes.
Mais cette hausse doit être relativisée par deux éléments. D’abord comme le souligne l’Express , la hausse des moyens, est en grande partie absorbée par le rétablissement de la formation initiale. Et toujours dans ce cadre, des moyens doivent être dégagés pour créer les postes de professeurs formateurs que M. Peillon a annoncés dans le cadre de la réforme de la formation des maîtres. Ensuite et surtout parce que nous sommes confrontés à une augmentation de la démographie. Très critique, le journaliste de L’Humanité relativise les annonces : “Le ministère promet ainsi une « stabilité » des moyens, malgré la hausse démographique. Difficile à croire. À la rentrée 2013, le ministère, déjà confronté à des difficultés de recrutement de profs, a dû accueillir plus d’élèves que prévu, comme le révèle une étude publiée mercredi : 41 700 au lieu de 33 000 en primaire et 51 000 contre 40 000 dans le secondaire. De quoi absorber encore plus vite les 3 000 postes créés à cette rentrée sur la base d’effectifs sous-estimés… ”.
Paradoxalement, ces remarques montrent bien que la priorité donnée à l’éducation lors de la campagne électorale était une nécessité. Qu’aurait été la rentrée 2014 sans ces postes ? A la rentrée prochaine, et depuis l'arrivée de la gauche, 20 000 postes supplémentaires auront été créés dans le seul enseignement public, sur les 60 000 promis. Rappelons qu’environ 80.000 postes avaient été supprimés sous la droite suivant le principe de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Il n’est peut-être pas inutile de le rappeler pour lutter contre l’amnésie collective…

Toboggan ?
Vincent Peillon avouait récemment à un proche, par SMS : "Je suis sur un toboggan." C’est L’Express, dans un article daté du 17 décembre, qui donnait cette information et se faisait l’écho de cette rumeur persistante de démission (ou de remplacement) de Vincent Peillon. Ce serait la polémique sur les classes prépas qui serait le déclencheur de ce nouveau ouï-dire. Une revue de presse comme la nôtre doit-elle se faire l’écho de telles rumeurs ? Est-ce une information ? Nous choisissons d’en parler dans la mesure où elle est reprise et qu’elle a, de fait, une influence dans la construction de l’opinion enseignante. On se souvient, par exemple, qu’Emmanuel Davidenkoff dans une chronique sur France Info du 9 décembre parlait, à propos des classes prépas de “baroud d’honneur” et parlait déjà d’un Vincent Peillon sur le départ. On trouve aussi la même analyse chez Marie-Christine Corbier dans Les Échos le 13 décembre dernier .
Une interview de Vincent Peillon donnée au site VousNousIlsle 19 décembre dernier , dans ce contexte, peut être interprétée comme une forme de bilan. Il y liste en effet les avancées qui ont eu lieu dans les négociations sur le métier et le chantier de l’éducation prioritaire. Et il affirme : “en un an et demi, nous avons engagé de très nombreuses réformes, car notre système éducatif en avait grand besoin : nouveaux rythmes scolaires, reconstruction de la formation initiale des enseignants, entrée de l'école dans l'ère du numérique, refonte de tous les programmes ; les postes qui seront créés au cours du quinquennat nous permettront de les mettre en œuvre. Nous conti­nuons à réformer, dans le dialogue avec les personnels, au premier rang desquels figurent les enseignants. On ne réforme pas l'éducation nationale sans les enseignants et encore moins contre eux.
Quelle que soit la validité de ces rumeurs, cela montre surtout la difficulté à réformer l’éducation nationale. Malgré la préparation, malgré les concertations préalables, malgré les garanties, le changement n’est pas garanti. Il y a bien sur des erreurs et des blocages que j’avais essayé de recenser dans un texte “prémonitoire” de janvier 2013 . On peut souligner aussi que si le cabinet du ministre n’a effectivement pas toujours été à la hauteur des ambitions, on lui a aussi savonné le “toboggan” … A la fois du côté politique, où les atermoiements du premier ministre ou du président ont conduits à des retards qui ont été défavorables aux réformes mais aussi du côté syndical où les logiques d’appareil et les pressions de la base ont conduit à des reniements et des volte-faces. La politisation de certains sujets et notamment la question des rythmes n’a pas aidé non plus à l’installation d’un débat serein. L’autre facteur de blocage est à chercher aussi du côté de l’administration de l’éducation nationale qui a finalement peu évolué et qui reste d’une pesanteur et d’une inertie préjudiciables à la logique de changement.
Partira ? partira pas ? Au delà de la question de personne, c’est le problème de l’évolution même du système qui est posé alors que les concessions se transforment de plus en plus en compromis néfastes pour l’ambition même de la refondation. La crainte majeure peut être résumée par cette phrase quasi-surréaliste d’ Edgar Faure : "Voici que s'avance l'immobilisme et, nous ne savons pas comment l'arrêter..."

Questions d’hiver
"Je souhaite que le Conseil supérieur de l’éducation se réunisse en janvier prochain afin qu’on revienne sur les semaines tronquées des vacances de février – le fait que celles-ci commencent en milieu de semaine constitue une difficulté majeure – et qu’on évite que les vacances de Pâques mordent ainsi sur le mois de mai, une dérive qui s’amplifiait avec la troisième année du calendrier". Lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée Nationale, le 18 décembre dernier , Vincent Peillon a répondu ainsi à une question d’Hervé Gaymard, député UMP de Savoie qui s’inquiétait de vacances de Pâques trop tardives et des vacances de février qui commencent en fin de semaine.
On ne peut s’empêcher de voir dans cet échange, l’activité du lobby du ski. Un article de L’Express du 6 décembre dernier nous apprenait que soixante-quatre parlementaires ont signé à l'initiative de professionnels du ski une motion pour demander au gouvernement des vacances de printemps moins tardives et un calendrier scolaire plus conciliant avec les intérêts de l'industrie touristique. Le zonage des vacances scolaires est en effet régulièrement mis en cause par les représentants de l'industrie du tourisme. On peut même dire qu’il y a un deuxième front contre la réforme des rythmes scolaires puisqu’il ne s’agit pas seulement de l’organisation de la semaine mais aussi de celle de l’année.
C’est cette réponse de Vincent Peillon qui a suscité un billet d’humeur de Catherine Chabrun. Cette responsable de l’ICEM-Pédagogie Freinet, sur son blog, fustige ce qu’elle juge être une reculade devant le lobby du “tourisme blanc”. Elle interpelle le ministre : “vous reniez vos propos du 17 décembre. En effet, ces enfants qui ont le plus besoin de « bon temps scolaire » ne partent jamais aux sports d’hiver. Seuls 8 % des Français partent au ski (et encore un an sur 2) et c’est pour cette minorité que vous allez concentrer les vacances d'hiver et de printemps sur les semaines où la neige fleurit pour satisfaire les entreprises touristiques ! […] Ces coupures rapprochées avec les temps de reprise brisent le rythme et réduisent d’autant le « bon temps scolaire » nécessaire « pour bien apprendre ». Et pour à peine 10 % des enfants qui partent aux sports d’hiver (et ce sont toujours les mêmes de vacances en vacances), il faut dire qu’une semaine aux sports d’hiver pour une famille équivaut au minimum à trois mois de SMIC.Et ce ne sont pas « ceux qui ont le plus besoin de l’école, car ils n’ont que l’école pour réussir » qui partent. Ce sont plutôt les enfants pour qui l’école fonctionne bien : les enfants de familles à haut revenu, fortement diplômées, de cadres… et si peu d’ouvriers. De plus, partir en vacances en hiver va de pair avec une vie sociale, culturelle et sportive riche. Ce sont les mêmes qui fréquentent les pistes, les cinémas, les théâtres, les activités culturelles… Et pour les autres surtout « Ceux qui ont le plus besoin de l’école, car ils n’ont que l’école pour réussir », ils n’auront guère d’activités à part la télé, l’ordinateur, les bas d’immeubles… Eh bien, ce n’est pas ainsi que l’on va renverser la tendance constatée par PISA sur les inégalités scolaires liées aux inégalités sociales !
Et notre collègue ouvre la réflexion sur les enjeux sociaux des vacances : “Le temps scolaire annuel est à revoir, mais également ce qu’on propose aux enfants pendant les vacances. Les séjours doivent retrouver l’expression « populaire » qu’ils ont perdue, l’accès au départ pour tous est un élément important pour réduire les inégalités sociales et donc scolaires.”. Une ambition qui est celle des mouvements d’éducation et des associations complémentaires de l’École et d’éducation populaire depuis toujours.

Au pied du sapin
Puisque la période l’impose Louise Tourret dans Slate.fr se lance dans la rubrique "conso" avec un article sur les tablettes pour les tout-petits présentées comme "ludo-éducative" et qu’on risque de trouver en grand nombre au pied des sapins . Ont-elles un intérêt pédagogique ?
Pour la journaliste "La pédagogie, c’est comme la mention «rajeunissante» sur les crèmes cosmétiques, il n’y aucune obligation à prouver ce qu’on avance!"Et elle poursuit avec une réflexion sur le "jeu éducatif" : “Le jeu éducatif est un symptôme intéressant d’une parentalité paradoxale. D’abord il déculpabilise et donne l’impression de proposer quelque chose d’intéressant à son enfant. Ensuite, la proposition de sous-traitance éducative séduit. Ah, le fantasme de la machine à éduquer avec laquelle les enfants apprendraient tous seuls, plus vite et mieux. Imaginez, vos gamins sont occupés, vous laissent tranquille mais en plus ils acquièrent des savoirs qui en feront de petits génies. LA martingale éducative. [...] Les enfants peuvent apprendre des tas de choses avec des tablettes et des applications ludo-éducatives, surtout si elles sont de bonne qualité, mais ces apprentissages sont beaucoup plus effectifs quand ils sont guidés, au moins pour commencer, par des adultes, surtout avant 6 ans.
L’occasion de rappeler que Noël, avant d’être une grande kermesse de la consommation à outrance, devrait être surtout l’occasion de rapprocher les parents (et les grands parents) de leurs enfants.

Bonne Lecture et bonnes fêtes de fin d’année...



Philippe Watrelot

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