dimanche, mars 30, 2014

Bloc Notes de la semaine du 24 au 30 mars 2014





- Statuts - SNES – chant du départ ? - .



Ce bloc notes est consacré à l’actualité de l’éducation. Il n’a donc pas vocation à commenter les résultats électoraux… Même si ça peut démanger ! On évoquera surtout le thème du métier des enseignants avec le vote positif d’une instance de négociation (le CTM) sur la réforme du statut des enseignants du secondaire. Va t-on avancer sur ce dossier ou n’est-ce qu’un trompe l’œil avant des mobilisations ? Nous nous poserons la question du SNES alors que ce syndicat rentre en congrès ce lundi. Et dans le contexte de la défaite aux municipales et d’un remaniement imminent, au delà de l’avenir de Vincent Peillon nous nous interrogerons sur l’avenir de la politique de priorité à l’éducation.



Statuts
Le Jeudi 27 mars se tenait le CTM (comité technique ministériel) sur le statut des enseignants du second degré. Cette instance rassemble les syndicats représentatifs et avait à se prononcer sur le projet issu des négociations qui avaient eu lieu en amont avec ces mêmes organisations. Le projet a été adopté, le SGEN-CFDT (une voix) et le SE-UNSA se sont prononcé pour, la FSU (6 voix) s'est abstenue, sauf le SNUEP (enseignement professionnel, une voix) qui a voté contre ainsi que la CGT, SUD et FO (une voix chacune).
Ce nouveau texte, qui s’appliquera à partir de la rentrée 2015, remplace les très célèbres décrets de 1950, qui ne définissent le métier d’enseignant du secondaire qu’aux seules heures de cours (dix-huit heures par semaine pour un certifié, quinze heures pour un agrégé). Le texte fait la liste des autres missions des enseignants. Il remplace aussi le système des “décharges horaires” par un nouveau régime de pondération qui s’appliquera également aux enseignants de l’éducation prioritaire et leur permettra d’avoir moins d’heure de cours. En revanche les heures des professeurs de classes préparatoires ont été sorties de la négociation à la suite du mouvement social d’il y a quelques mois.
Il y a bien sûr plusieurs manières d’analyser ce vote. D’abord, il y a ceux qui se réjouissent. Les syndicats dits “réformistes” qui ont voté pour considèrent que c’est une évolution majeure voire “historique” et qu’on assiste à l’ “enterrement” des décrets de 50. On retrouve cette analyse dans la presse qui y voit une victoire pour Vincent Peillon qui aurait réussi cette négociation sans mettre les enseignants dans la rue (pour l’instant). Les syndicats protestataires et/ou conservateurs critiquent ce projet qui serait la porte ouverte à un alourdissement de la charge de travail. On notera que le texte a été adopté grâce à l’abstention du SNES, le syndicat majoritaire du second degré. Celui-ci a participé activement aux négociations mais préfère adopter cette position qui envoie un signal ambivalent à ses adhérents : « Vous voyez on a obtenu des avancées, mais c'était pas suffisant ! ». Car il semble bien qu’il y a un décalage entre la direction du SNES et une partie de sa base beaucoup plus critique à l’égard du texte qu’ils jugent “dangereux”. Et en période de congrès syndical, et avant des élections professionnelles qui auront lieu à l’automne prochain, il importe d’être prudent.
Si pour l’instant, le projet ne déclenche pas de mouvement social, on voit quand même fleurir sur les murs des salles des profs des appels à se mobiliser. D’autant plus que certains ne se privent pas de jeter de l’huile sur le feu… C’est le cas avec une “tribune” de Jean-Paul Brighelli dans Le Point . Intitulée “le (dernier) mauvais coup de Vincent Peillon“, cette expression du polygraphe néo-conservateur rassemble en un même texte de nombreux présupposés et parti-pris et en développant une analyse catastrophiste. Il base l’essentiel de sa thèse sur un risque d’une augmentation du temps de travail fondé sur une redéfinition du nombre d'heures annuelles alors que ce n'est pas sur la table. Ce qui est dans la négociation c'est en revanche une évolution des missions des enseignants et la reconnaissance de tâches aujourd'hui déjà effectuées mais qui ne sont pas payées ni reconnues. Et il est sûr que c'est surtout cela qui choque la conception très traditionaliste du métier des fans de Brighelli qui ne cessent de transférer ce texte. Cela a amené à quelques mises au point utiles dans la presse syndicale ou sur les réseaux sociaux.

SNES
Le congrès du SNES aura lieu à Marseille du 31 mars au 4 avril. Comme nous le disions plus haut, c’est une période qui n’est pas forcément propice aux positions modérées. Mais plutôt aux surenchères internes et aux positionnements des tendances. C’est donc dans ce contexte qu’il faut analyser l’abstention au CTM.
Phénomène de mise à l’agenda, le congrès est l’occasion de lire plusieurs articles sur ce syndicat. Dans le Monde, Aurélie Collas s'interroge sur le pouvoir réel et fantasmé de ce syndicat dans l'éducation nationale. Il est vrai que le syndicat est très largement majoritaire dans la profession. Mais, comme le montre un autre article du même journal une bonne partie des adhésions se fait dans une logique « assurantielle » car le syndicat, à tort ou à raison, est réputé avoir la main sur la gestion des carrières. On sait aussi que s’ils sont capables de se rassembler sur la défense de certains intérêts et en particulier l’attachement à l’identité disciplinaire, les adhérents sont aussi dans des attitudes très différentes vis-à-vis de la conception du métier et de la pédagogie. Une hétérogénéité ou des clivages ? Il serait en tout cas trop facile de réduire ce syndicat “attrape-tout” à une seule ligne conservatrice.
S’il apparaît souvent comme hostile a priori aux réformes, on s’aperçoit aussi que, dans les faits, une bonne partie est passée et après avoir engendré des protestations, les dispositifs décriés sont ensuite investis voire même défendus par les enseignants de terrain…

Le chant du départ ?
Suspens : celui qui a bougé le décret de 1950 sans mettre les profs dans la rue laissera-t-il sa place?
Certes, cette question semble un peu secondaire dans le contexte de la défaite sévère de la gauche aux municipales. Mais elle se pose évidemment avec la perspective plus que probable d’un remaniement ministériel.
"Si on coupe dans les budgets 'éducation', les conséquences seront terribles !" C’est Vincent Peillon qui dit cela. Mais dans le cadre d’un discours d’ouverture cette semaine d’une conférence internationale sur "l'enjeu des langues" pour la réussite de l'éducation en Afrique. Mais sa phrase prend un sens particulier dans le contexte du remaniement. C'est presque une façon de justifier son départ si, comme cela se murmure, la promesse des 60 000 postes était remise en question...
Au delà de la personne du ministre c’est bien sûr la question de la continuité de la politique qui est posée. C’est ce qu’exprime un communiqué du CAPE (collectif des associations partenaires de l’école) titré “Refonder l’école : non au renoncement, oui à l’ambition éducative ! ”. Cet extrait résume l’inquiétude : “L’histoire récente témoigne que de grandes ambitions peuvent être abandonnées par des ruptures dans le suivi d’une politique nationale pour l’école, des changements de ministres, alors qu’il faudrait au contraire élargir l’ambition refondatrice à l’ensemble des politiques éducatives, en regroupant sous un même ministère l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur et la recherche, la Jeunesse et l’Éducation populaire.”. Et les associations du CAPE (dont le CRAP-Cahiers Pédagogiques) concluent “Nous appelons tous les responsables politiques, locaux et nationaux, à ne pas mettre en péril cette indispensable continuité de la refondation par un renoncement trop prompt face aux conservatismes et aux replis, qui menacerait l’avenir d’une éducation commune, laïque, démocratique et soucieuse d’égalité et de justice.
Avec la victoire de la droite aux élections municipales, le risque est grand que la réforme des rythmes soit passée par pertes et profits à coup de dérogations et d’aménagements qui en fassent perdre le sens. Si un(e) prochain(e) ministre est nommé(e), on peut craindre que sa politique soit surtout destinée à ne fâcher personne…
Et le débat sur l’avenir de l’École attendra les prochains résultats de la prochaine enquête PISA, publiés en 2017…

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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