samedi, juin 14, 2014

Bloc-Notes de la semaine du 9 au 15 juin 2014





- Démission - Socle - Bac - .



Le bloc notes revient sur la démission d’Alain Boissinot du Conseil Supérieur des Programmes qui s’est produite en début de semaine. Nous nous intéressons aux raisons de ce départ mais surtout aux enjeux derrière celui-ci. Le socle est-il sur la bonne voie ?
Il y a deux moments incontournables dans une année normale où les médias s’intéressent à l’École. La rentrée et... le bac. On va donc évidemment l’évoquer mais sans s’y attarder !





Démission
La semaine a donc été marquée par la démission d’Alain Boissinot annoncée lundi soir. Cet ancien recteur, ancien Dgesco, ancien conseiller de ministre était le président du Conseil Supérieur des Programmes (CSP). L’instance créée par la loi sur la refondation de l’École et composée d’experts et de parlementaires vient de rendre ses propositions pour le “nouveau socle” commun de connaissances, de compétences et de culture approuvées unanimement par ses membres.
On se souvient qu’à la fin de la semaine dernière, un des membres du CSP, Denis Paget, avait annoncé la refonte du Brevet et du Livret Personnel de compétences (LPC) alors que le conseil n’avait pas encore suffisamment avancé sur ce sujet de l’évaluation du socle. On a pu penser que c’était cela qui avait déclenché la démission de M. Boissinot. Mais, semble t-il, sa décision n’a rien à voir avec cela et murissait depuis plusieurs semaines. Elle aurait été cependant accélérée par des discussions internes au groupe durant le dernier week-end. Alain Boissinot a donné plusieurs interviews pour s’expliquer. On peut citer celle du Café Pédagogique où il affirme : “Ma démission n'a pas grand chose à voir avec l'épisode Paget”. Dans Le Monde il estime que “ le Conseil des programmes est trop fragile et non adapté ” et qu’il n’a pas les moyens de son action pour une commande aussi lourde que celle qui leur est faite. Soit, on demande à la fameuse Dgesco d’organiser des groupes d’experts pour élaborer les programmes et le Conseil des Programmes est alors une instance souple chargée de donner un avis (en amont ou en aval), soit on crée une “agence” indépendante avec des moyens beaucoup plus importants pour mener cette activité. Selon le président démissionnaire, le CSP actuel serait entre les deux avec des tâches lourdes et de faibles moyens et donc dans un compromis bancal et peu efficace.
La question qui lui est posée est aussi celle d’éventuelles tensions au sein du CSP avec la question du Brevet comme cristallisation de celles ci. Selon le site d’information Touteduc , tous ses membres étaient d'accord pour lier validation du socle et brevet, mais les modalités restaient à discuter, et parmi les hypothèses en débat, celle de garder une journée d'épreuves. Fallait-il retarder la remise au ministre du document jusqu'à ce que le CSP ait tranché? fallait-il remettre au ministre un document provisoire et lui remettre ensuite une proposition pour le brevet ? fallait-il lui remettre le document en l'état, sans avoir tranché ? Le débat entre les membres du Conseil semble s'être emballé le week-end dernier. Dans la lettre qu'il a adressée aux autres membres du CSP, et que ToutEduc s'est procurée, il évoque sa "perplexité" face à une situation "confuse" alors qu'elle "paraissait claire la semaine dernière”. Selon lui, sa recherche du consensus se serait heurtée à des positions tranchées. “Certains membres du CSP ont du mal à accepter les contraintes d'un calendrier et de cahiers des charges exigeants […] Certains ont aussi du mal à entrer dans une logique de recherche d'un consensus suffisant ”, ajoute-t-il dans sa lettre de démission.
Dans une autre interview donnée au magazine Le Point il va même beaucoup plus loin puisqu’il met aussi en cause le syndicat SE-UNSA : “Il est vrai que le changement de ministres a pu favoriser une certaine radicalisation de la part des syndicats, et notamment du SE-Unsa plutôt modéré en général, mais qui, là, a creusé l'opposition entre le socle commun et les contenus des programmes, une opposition dont justement nous voulions sortir. Il me semblait normal que le socle qui définit les grandes compétences et connaissances de la scolarité obligatoire soit en quelque sorte le paysage qui définisse les grandes orientations, et qu'ensuite les programmes entrent dans le détail. De même, c'est à ce niveau que doit se poser la question de l'évaluation. Mais l'Unsa n'a rien voulu entendre. ”.
Plusieurs membres du Conseil Supérieur des Programmes, qu’on a pu interroger, relativisent ces clivages et qualifient la décision de M. Boissinot de “péripétie. Ils déplorent que le président du CSP n’ai pas su jouer véritablement le jeu des amendements et se soit bloqué sur une position, la sienne. Ainsi, Éric Favey, secrétaire général adjoint de la Ligue de l’enseignement et membre du CSP déclare sur le site VousNousIls La présidence du CSP est un élément symbolique important, en terme de dynamique d'entraînement du travail. Mais nous sommes 17 autres membres ! C'est un peu méprisant de penser que le CSP se résume uniquement à son président. Cinq groupes techniques mobilisent plus de 100 personnes en permanence ! Néanmoins, la démission d'Alain Boissinot modifie momentanément la dynamique. Il appartient donc au ministre de le remplacer rapidement. En attendant, Anny Cazenave, vice-présidente, assure l'intérim et il n'y a pas de vacance du conseil.

Questions autour du socle
Finalement, la question qui semble centrale au delà des problèmes de personnes, c’est celle de la pertinence et l’opérationnalité du socle qui vient d’être présenté au Ministre (et est téléchargeable sur le site du Ministère). Mais si ce document semble faire l’unanimité des membres du CSP, il provoque déjà quelques critiques et inquiétudes. En particulier, la crainte de ne pas le voir suivi d’une vraie proposition sur son évaluation et sa déclinaison en objectifs opérationnels.
On a une illustration de ce débat sur le site des Cahiers Pédagogiques avec une tribune d’Éric Favey où le membre du CSP prend la défense du travail entrepris par cette instance et appelle le débat à se faire “avec le sérieux et la qualité démocratique qui s’imposent pour un tel enjeu [...] Parce que le socle commun de connaissances, de compétences et de culture constitue un des leviers majeurs vers une école où les enfants et les jeunes auront accès à ce « qui unit et ce qui libère ». ” Sur le même site, on pourra lire une autre tribune d’Anthony Lozac’h . Le syndicaliste du SE-UNSA estime quant à lui que le socle présenté comporte cinq domaines très disparates. Et cela conduit, selon lui, à ce qu’au final “les objectifs à évaluer seront beaucoup plus nombreux que dans l’ancien socle commun.”. Pour lui, “la faiblesse de ce texte est donc de négliger et de réduire considérablement la notion de compétence, qui est pourtant un outil important si on veut adopter une évaluation progressive et positive des élèves.” Et il considère également que cela contribue à conserver le poids important des disciplines dans les déclinaisons des items du socle. Sur ce point, signalons une très bonne analyse d’Olivier Rey del’IFÉ sur le blog ÉduVeilles . Il montre très bien comment le socle ainsi que la logique curriculaire se heurtent à des forces d'inertie importantes autour des logiques disciplinaires et des enjeux de pouvoirs qui les accompagnent.
On sait bien que la politique est l’art du compromis mais l’éducation s’accommode mal de compromis bancals. On le voit aujourd’hui avec les rythmes ! Il serait dommage que l’occasion de la redéfinition du socle conduise à une situation ambigüe et au final peu efficace sur le plan pédagogique. Rappelons que dans la loi d’orientation de 2013 qui a défini le socle commun de connaissances, de compétences et de culture celui ci est défini comme « le principe organisateur de l’enseignement obligatoire dont l’acquisition doit être garantie à tous ». C’est cette ambition démocratique qu’il ne faut pas perdre de vue.

Bac
Au fait, la semaine prochaine, c’est le bac. Du moins le bac général et technologique car le bac pro a déjà commencé. Ce “monument national” constitue un point de passage obligé pour les journalistes ( on parle de “marronnier”). Quand on fait la revue de presse depuis longtemps, c’est un peu lassant même si la presse essaie de varier les angles. Mais ceux-ci ne sont pas infinis. Prenons le pari... dans la semaine qui vient, nous aurons droit aux reportages sur le ou la plus jeune candidat(e), sur les fuites dans les sujets, les correcteurs, l’angoisse des parents, etc. On aura droit aussi aux fausses polémiques et aux sujets récurrents.
On doit la fausse polémique de la semaine au Nouvel Obs , où le journaliste croit lancer un pavé dans la mare en titrant "On m'a demandé de remonter des notes au bac". On a envie de lui répondre : et alors ? Quelle prétention de croire que l'on est infaillible et que la note qu'on vient de mettre est une note "absolue" et non négociable. Quelle bêtise de penser que l'on est “propriétaire" de sa note et que l'harmonisation et le travail collectif ne servent à rien... Ce qui est d’autant plus rageant c’est que cette fausse polémique avait déjà eu lieu l’an dernier à la même époque.
Si le baccalauréat est toujours un « monument national » (selon l’expression de Jack Lang) c’est aussi une énorme « usine à gaz ». Chaque année, plusieurs sujets reviennent sur le coût de cet examen. C’est le cas d’un article de Marie-Caroline Missir dans L’Express . Elle nous rappelle que les constantes restent les mêmes: un coût élevé - 80,7 euros en 2013 soit près de 56 millions d'euros, une énorme machinerie - 686 907 candidats répartis entre les trois filières générale (50%), technologique (20%) et professionnel (30%) -, 170000 correcteurs et 4 millions de copies rémunérées à 5 euros pièce. Mais, lors d’une conférence de presse cette semaine, Florence Robine, la Dgesco a déclaré que la question du coût ne peut "constituer l'unique angle d'attaque des évolutions du bac", mais que la multiplication des épreuves "commence à poser problème en terme d'organisation". En somme conclut-elle, le bac "ne peut être que le reflet d'une politique globale d'évaluation" dans l'Education nationale. Une manière de presque conclure en revenant sur le sujet évoqué plus haut avec le socle...
Pour conclure vraiment, il faut revenir sur l’inquiétude concernant le déroulement des épreuves liée à la grève des transports. On ne glosera pas sur les raisons de cette grève, ce n’est pas notre propos. Mais, on terminera en rappelant à tous ceux qui s’expriment sur ce sujet que les mots ont un sens. Les lycéens "pris en otage", ils se trouvent au Nigéria, et ce sont des lycéennes...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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