dimanche, décembre 18, 2016

Bloc-Notes de la semaine du 12 au 18 décembre 2016



- Mixité – Préposée aux postes – Visite au musée - .



Le dernier bloc notes hebdomadaire de l’année 2016... On y évoque la question de la mixité qui est un des gros sujets du bilan de l’action du gouvernement tout comme la question des créations de postes que nous abordons également. Et on finit avec l’affaire qui a fait le buzz depuis une dizaine de jours, il s’agit de la visite au musée d’Orsay d’une classe d’un lycée du 93 qui s’est mal passée...
Et puis... joyeuses fêtes !


Mixité
La question de la mixité sociale est un thème majeur et récurrent du débat sur l’école. Après les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015, on se souvient que Najat Vallaud Belkacem avait fait un certain nombre d’annonces depuis le perron de Matignon pour une grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République. Parmi les axes de cette mobilisation figurait la mesure 8 :Renforcer les actions contre les déterminismes sociaux et territoriaux ” et le texte précisait : “Une politique active de mixité pour agir sur la composition des collèges sera mise en place grâce aux nouvelles dispositions législatives et réglementaires.
- En concertation avec les collectivités compétentes, un état des lieux sera établi en 2015- 2016 en matière de mixité sociale au sein des collèges publics et privés sous contrat. Ce diagnostic partagé doit pouvoir déboucher sur la définition d’objectifs en matière de mixité sociale au sein des collèges publics, à l’échelle du département, mais également à l’échelle de territoires infra-départementaux identifiés comme pertinents.
- De nouveaux secteurs de recrutement des collèges seront définis pour y regrouper plusieurs établissements là où c’est pertinent.[…]

Le thème de la mixité sociale est revenu à plusieurs reprises ensuite dans le débat. Un rapport du Cnesco de juin 2015 a suscité de nombreux commentaires, tout comme un rapport parlementaire de décembre 2015. Mais le débat a surtout été relancé récemment en septembre dernier par la tribune de Thomas Piketty et la réponse de la Ministre qui en a suivi. L’économiste, dans cette tribune, constatait que “La ségrégation sociale dans les collèges atteint des sommets inacceptables” et dénonçait particulièrement la situation de la ville de Paris. Et la ministre répondait que des expérimentations étaient déjà à l’œuvre et que cela allait être renforcé.
C’est à Montpellier, mardi 13 décembre, que la Ministre de l’Éducation a annoncé de nouvelles mesures pour répondre à cette question politiquement inflammable. Alors que 25 projets de « déghettoïsation » sont en cours actuellement, non sans protestations pour les quartiers concernés dans le nord de Paris, Najat Vallaud-Belkacem a annoncé ce mardi le lancement de 57 nouvelles expérimentations, portant le nombre de sites pilotes à 82, dans 46 départements. D’ici deux ans, 248 collèges dans 84 communes devraient être concernés. Reste à savoir, comme le fait remarquer un article du Monde si, sur le terrain, ces expérimentations sur la base du volontariat peuvent suffire à modifier l’équation : si 10 % des collèges accueillent moins de 15 % d’élèves défavorisés, 10 % en accueillent plus de 63 % S’il est “inflammable” c’est aussi parce que cette volonté de mixité sociale se heurte au désir d’entre soi et à l’inquiétude des familles (y compris de “gauche”) d'être contraintes d'inscrire leurs enfants dans des établissements qu'elles n'ont pas choisis.
La principale critique qui est portée à cette expérimentation est de concerner que des établissements du public et d’exclure, de fait, les établissements du privé. Comme le fait remarquer le sociologue Pierre Merle : “En matière de mixité, la bonne volonté risque de ne pas suffire. Si le privé refuse la démarche, certains parents seront encore plus déterminés à y scolariser leurs enfants. ”. D’autant plus qu’une étude récente nous montre que l'écart de recrutement social moyen entre collèges publics et privés s'est creusé au cours des dernières décennies.
Autres limites mises en avant par les chercheurs et reprises par Le Monde : les « tensions » d’ores et déjà perceptibles tant parmi les parents que les enseignants, de Paris à Marseille en passant par Toulouse ; le « degré d’implication » des collectivités et des autorités locales ; ou encore l’« ambition » de certaines expérimentations. Notamment de secteurs multicollèges qui n’englobent parfois que deux établissements quand il en faudrait plus.
Une illustration en est donnée à Paris avec un projet d’expérimentation dans deux établissements du 18e arrondissement de la capitale. Plusieurs articles relatent les tensions autour de ce projet et notamment un article du Monde (avec un dessin génial d’Aurel) . Les collèges Coysevox et Berlioz font partie des quatre zones tests de la capitale concernées par l’expérimentation – prévue pour la rentrée 2017 – de « secteurs multicollèges », au nom de la mixité sociale. Le principe : chaque élève dépendrait, en fonction de son adresse, des deux collèges et non d’un seul comme aujourd’hui, pour brasser davantage les populations qui se côtoient dans leur quartier mais ne se mélangent pas au collège. Problème : le projet passe mal. Annoncé le 23 novembre, il a aussitôt déclenché une levée de boucliers côté Coysevox. Trois grèves des professeurs, dont la dernière, jeudi 8 décembre, blocus des parents, le 1er décembre, pétition signée par plus de 900 personnes. Les arguments des opposants à ce projet insistent surtout sur l’absence de concertation préalable et la précipitation de celui-ci. Ils considèrent également qu’il y avait d’autres expérimentations à mener avant celle ci. Surtout, ils insistent sur le fait que la mixité sociale est déjà une réalité, dans leur quartier comme au collège. Pas ici et pas tout de suite...
Dans Les Échos , on insiste aussi sur le clientélisme comme étant un frein aux expérimentations. “les expérimentations envisagées ont refroidi certains maires d'arrondissement, affirme un spécialiste interrogé par le journal. Officiellement, ils se disent favorables à la mixité. Mais, députés, ils accordent des dérogations à leurs électeurs. C'est du clientélisme. A l'approche des élections présidentielle et législatives, cela explique pourquoi certains maires d'arrondissement se sont montrés réticents.
La question de la mixité sociale est peut-être l’exemple le plus abouti du décalage entre le discours sur les valeurs et la réalité des pratiques. Et aussi l’illustration du biais entre le niveau “micro” et le niveau macro. Les décisions et les stratégies individuelles se télescopent avec les politiques globales. Et contribuent ainsi à l’immobilisme dans un pays qui manifeste de longue date une préférence pour l’inégalité
Cette indifférence aux inégalités, on peut aussi la constater quand on observe le peu de suites données à l’enquête PISA. Le rapport a été présenté avec beaucoup d’ampleur médiatique le 6 décembre dernier. Mais le soufflé médiatique est retombé aussi vite qu’il est monté. Et on peut craindre qu’il n’y ait pas de choc Pisa et qu’on s’accommode encore longtemps des inégalités et des injustices sociales...


Préposée aux postes
Cette semaine a aussi été marquée par des annonces de la Ministre sur le nombre de postes créés et leur répartition dans les différentes académies . Il s’agit, dit la communication ministérielle, d’un effort sans précédent au service de la réussite de tous. De la maternelle au lycée, 8611 postes d'enseignants seront créés pour la rentrée 2017, pour renforcer l'effectif existant. Les besoins sont très variables selon les académies, de 27 postes dans celle de Caen, à 1310 dans celle de Créteil. L’effort est particulièrement important dans le premier degré, où 4.311 postes vont être créés alors même que le nombre d’élèves devrait diminuer de 12.158. Dans le second degré, les 4.400 nouveaux postes devraient surtout permettre de compenser la hausse démographique (+ 41.650 élèves). Les académies de Créteil et de Versailles sont toujours celles qui ont le plus de créations de postes, suivies par les trois départements de l'académie de Lyon. Au contraire, celles de Caen, Dijon ou Reims seront beaucoup moins pourvues.
Dans une interview à la presse régionale, Najat Vallaud Belkacem ne manque pas d’en faire un élément de valorisation du bilan gouvernemental et un argument politique. “Nous avons créé les 54.000 postes promis en cinq ans, affirme t-elle, Les résultats de nos réformes se traduiront en 2021.”. Avant de prévenir: “Nous remettons à flot le système éducatif et si la droite revient, cet effort sera anéanti et les effets seront délétères
Bien sûr, on ne manquera pas , dans la presse et les réseaux sociaux de discuter de la réalité de ces postes, de se demander pourquoi cet effort n’a pas été plus important au début du quinquennat, de parler de logique électorale, etc. Et on peut penser que la poursuite de ces créations de postes ne suffira pas à convaincre les électeurs que sont les enseignants. Mais ces annonces ont quand même une résonnance particulière en cette année d’élections et de chasse aux fonctionnaires qui s’annonce...


Visite au musée
Fermez vos gueules !
Le récit sur Facebook d’une enseignante de Seine-Saint-Denis qui dénonçait le traitement de ses élèves par les gardiens du musée d'Orsay fait le buzz depuis une dizaine de jours.
L’enseignante a raconté tout d'abord l'histoire dans un post Facebook qu'elle a publié en privé après l'incident, partagé près de 2.000 fois, avant de s'entretenir avec l'Obs puis de nombreux autres journaux : L’Express, le Huffington Post, Télérama, L’Humanité ou encore Le Parisien et bien d’autres....
Que raconte cette enseignante ? Quand cette professeure d'histoire-géo du lycée Maurice Utrillo de Stains (Seine-Saint-Denis) arrive dans la salle d'exposition du musée d'Orsay où sont regroupés les membres de sa classe de première bac professionnel vente, venue étudier l'histoire des ouvriers au XIXe siècle, mercredi 7 décembre, elle les retrouve médusés dans un coin. Elle raconte à l'Obs : “Je fermais la marche du groupe avec une collègue et j'ai été accueillie par les injures d'un gardien de salle, visiblement très remonté contre mes élèves. Il n'arrêtait pas de leur ordonner de se taire... alors qu'ils étaient immobiles et silencieux comme des statues !” Puis un dialogue commence avec le gardien bientôt rejoint par d’autres et mettant en cause l’autorité de l’enseignante. Puis, selon l’enseignante, “"On s'est fait suivre par quatre surveillants, qui prétendaient avoir été agressés verbalement et exigeaient notre départ sans quoi ils menaçaient de se mettre en grève."
La version donnée par le musée n’est pas la même. Selon le musée d'Orsay, ce sont les surveillants qui se sont fait insulter par les élèves – par l’un d’entre eux en particulier – après qu’ils sont intervenus fermement pour leur demander d’être moins bruyants – « Taisez-vous ! », leur ont-ils dit à plusieurs reprises, craignant que les autres visiteurs soient indisposés. Selon Télérama un témoin en attesterait : l’universitaire Alain Garrigou, professeur en sciences politiques à Paris Ouest. Présent, par hasard, lors de l’altercation, il affirme : “Je suis formel : il n’y a eu ni insulte ni bousculade de la part des surveillants. Dire le contraire est tout simplement diffamatoire.” La question d'une discrimination raciale est également sujette à caution : deux des surveillants concernés ayant les mêmes origines que certains élèves (des échanges entre eux ont même eu lieu en créole antillais).
On est donc dans une situation “parole contre parole”. L’affaire, en tout cas, a pris des proportions importantes tant par le nombre d’articles que par les réactions des enseignants sur les réseaux sociaux. Si ce message écrit par cette collègue a eu tant d'impact chez les enseignants et au delà, c'est parce qu'il rencontre un sentiment déjà éprouvé par beaucoup à un degré moindre certes, mais très vivace. Il est fréquent lors des sorties scolaires au musée ou ailleurs de sentir le regard de désapprobation et les remarques faites à mi-voix (ou de manière plus audible...) portés sur les élèves et les enseignants. On vous fait comprendre qu’"on ne sait pas les tenir" ou qu'"ils n'ont rien à faire là"...
Une manifestation de soutien a eu lieu devant l’établissement et des personnels de ce lycée de Stains ont publié une tribune dans Libération . Cet incident devient aussi un instrument dans le mouvement social de défense “Touche pas à ma ZEP” et la lutte pour changer les stéréotypes sur la banlieue.
Quel que soit la réalité de cet évènement, l’impact médiatique nous interpelle. Et il nous amène en tout cas à réfléchir sur le sentiment de déclassement et de mépris vécu par les jeunes des quartiers et partagé en partie par leurs enseignants. On se demandait plus haut s’il y avait une indifférence aux inégalités. Cet incident comme d’autres nous montre que le sentiment d’injustice existe et pourrait très vite (re)devenir un problème social majeur...

Il n’y aura pas de bloc-notes hebdomadaire la semaine prochaine mais peut-être un bloc-notes récapitulatif de l’année écoulée. Entre deux réveillons...
D’ici là, bonne Lecture et joyeuses fêtes ... !



Philippe Watrelot

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dimanche, décembre 11, 2016

Bloc-Notes de la semaine du 5 au 11 décembre 2016



- Tour de Pisa – Pisa et politiques – Pisa-Choc ou déni ?- Recette – Fillon/Le Pen – Lectures - .


Pisa c’est pas de la tarte... Pour le chroniqueur, ça augure toujours d’un bloc notes où on frôle l’indigestion. Comme on peut s’en douter c’est cette enquête qui sera le thème central de ce retour sur la semaine éducative : on y abordera les résultats, les analyses, les enjeux politiques et les critiques méthodologiques. Mais on rajoutera un peu de sauce piquante avec les propos des hommes et femmes politiques de droite et d’extrême droite. Avant de finir en dessert avec quelques conseils de lecture et une auto-promotion assumée pour faire passer ce bloc-notes roboratif.



Tour de PISA
Cette semaine, on risquait l’indigestion de PISA...
La communication de l’OCDE est très efficace et faite pour créer le suspense. C’est seulement mardi 6 décembre à 11h que le rapport de PISA 2015 a été révélé. Cela s’est fait en présence de la Ministre de l’Éducation Nationale ce qui était une grande première. Les articles de présentation des résultats et de commentaires ont été très nombreux durant la semaine. Reste à savoir si l’impact de cette enquête sera durable, ou pas...
Au fait, qu’est-ce que c’est que cette enquête ? 72 pays sont analysés dans cette étude de référence que l'OCDE dévoile tous les trois ans. 540.000 jeunes de 15 ans ont été testés à travers le monde, lors d'un examen de deux heures. L'enquête s'est concentrée en 2015 sur les connaissances en sciences comme il y a neuf ans. Six mille Français, de 15 à 16 ans, ont planché sur des question portant sur trois domaines : la culture scientifique, les mathématiques et la compréhension de l’écrit. Mais à quoi ressemblent ces tests ? A 80%, ce sont les mêmes que ceux de la précédente édition. Les résultats peuvent ainsi être comparés d’une enquête à l’autre. Du coup, pour éviter que les élèves s’entraînent et faussent les notes, la plupart des exercices sont tenus secrets. Seuls quelques exemples sont rendus publics.

Le palmarès, avec cette année Singapour en vedette, n’est pas le plus intéressant dans le rapport PISA. Il faut rappeler que les différences entre les places tiennent à quelques points d’indices et sont, au final, peu significatifs. C’est pourtant cette comparaison des “performances” qui est souvent mise en avant dans la présentation qui est faite du rapport par la presse généraliste. Pour ce qui est du classement, en sciences, la France est 27ème cette année, juste dans la moyenne. En compréhension de l’écrit, la France est 19ème et 26ème en mathématiques. On peut dire que c’est “moins pire” que dans le PISA précédent. Ni progression, ni régression par rapport à 2013, Avec un score de 495 points en sciences, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne de l'OCDE (493), derrière l'Allemagne ou la Belgique (au-dessus de 500 points) et devant l'Italie (481). Une performance stable depuis 2006.

Ce qui est plus intéressant, au delà des comparaisons, c’est ce qui est dit sur la situation de la France. Dans le petit résumé fourni par l’OCDE , on peut lire la phrase suivante qui résume l'essentiel de ce qu’il faut retenir: “Dans tous les pays et économies participant à l’enquête PISA 2015, les élèves de 15 ans les plus défavorisés (quartile inférieur de l’indice du milieu socio-économique) sont moins susceptibles de réussir à l’école que leurs camarades plus favorisés (quartile supérieur de l’indice du milieu socio-économique). La différence de résultats entre ces deux groupes d’élèves est particulièrement marquée en France, où la relation entre performance et milieu socio-économique des élèves est l’une des plus fortes parmi les pays et économies participant à l’enquête PISA 2015. En d’autres termes, plus on vient d’un milieu défavorisé en France, moins on a de chances de réussir à l’évaluation PISA 2015 ”.
Ces résultats doivent être accueillis avec gravité puisque les performances des élèves français de 15 ans sont moyennes et le poids du déterminisme social est inacceptable a souligné la Ministre lors de la remise du rapport. “La France est le pays du grand écart, résume Najat Vallaud-Belkacem .Avec une école qui est efficace pour une majorité de ses élèves, mais qui ne parvient pas à faire réussir 20 à 30% d’enfants”. En 2015 comme en 2006, 8% de nos élèves se positionnent parmi les plus performants de l’étude Pisa. Et 22% parmi ceux en difficulté.
On note aussi dans cette synthèse que 22 % des élèves ont redoublé au moins une fois avant l'âge de 15 ans, soit le double de la moyenne des pays de l’OCDE, (mais ce chiffre est en train de diminuer avec les modifications des règles). L’OCDE remarque également que “les évaluations internes ou les auto-évaluations sur la qualité de l'enseignement au sein des établissements sont moins courantes en France ” qu’ailleurs. En d’autres termes on évalue pas assez les enseignants et on ne leur propose pas assez de formation continue. On sait aussi que l’enquête PISA développe également des “questionnaires de contexte” qui nous permettent d’apprendre des choses sur les élèves issus de l’immigration, le plaisir d’apprendre ou bien encore sur l’absentéisme. Chacun pourra découvrir ces informations dans cette synthèse proposée par l’OCDE .
On pourra surtout compléter par l’excellente analyse de Marie Duru-Bellat dans The Conversation publiée dans le 8 décembre. À la suite des analystes de l’OCDE, elle commence par constater que la baisse des performances moyennes observée entre 2000 et 2003 semble bel et bien enrayée, puisque depuis 2006 c’est la stabilité qui domine. Mais, nous restons l’un des pays (avec notamment la Belgique francophone) où les écarts de performance entre élèves sont les plus marqués. Selon elle, une raison importante est l’existence, dans notre pays, du redoublement. Et elle précise : “nous continuons à faire redoubler les élèves en difficultés, plus souvent de milieu social défavorisé, ce qui tire le niveau moyen vers le bas. Les inégalités entre les élèves dépendent aussi de l’importance de la ségrégation sociale et scolaire entre les établissements et en la matière, notre situation s’est dégradée avec notamment la tendance à encourager le libre choix de l’école. On observe en effet que dans les systèmes les moins inégalitaires, le choix de l’école est régulé, la décentralisation est encadrée et la part du privé est faible.”. Et elle conclut par un constat : “les pays dont les élèves sont les meilleurs sont aussi ceux qui réduisent le plus les inégalités.
Dans la masse des commentaires et résumés, on retiendra surtout quelques articles qui proposent une synthèse assez complète. C’est le cas de Marie-Christine Corbier dans Les Échos , Denis Peiron dans La Croix ou Mattea Battaglia et Aurélie Collas dans Le Monde .
On peut signaler aussi le travail du journal Libération avec Sonya Faure et Marie Piquemal. Elles aussi offrent un résumé assez complet des résultats mais posent aussi une série de questions. Et avec en premier lieu, une interrogation inévitable : Est-ce un problème de moyens ? Si l’on s’en tient à la part du budget national consacré à l’Education, la réponse est non. La France se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, avec environ 5 % de son PIB dédié à l’éducation. “A partir d’un certain niveau d’investissement, la question financière n’a plus d’incidence sur les performances des élèves, explique Gabriela Ramos, de l’OCDE. Ce qui joue ensuite, c’est la façon dont l’argent est utilisé, les choix qui sont faits.”. La France se distingue avant tout par un grand déséquilibre entre l’argent donné au premier degré et celui octroyé au second. Nous dépensons 15% de moins pour notre école primaire que des pays comparables au notre.
Les autres questions posées sont elles aussi pertinentes : “Nos profs sont-ils mal formés ?” ; “Faut-il revoir nos méthodes d’enseignement ? ” ; “A-t-on délaissé les fondamentaux ? ” ; “ Le système éducatif est-il trop centralisé ? ”. Et toutes ces interrogations posent la question des politiques éducatives menées jusqu’à maintenant, de leur continuité et de leur efficacité...
Mais avant d’aller plus loin sur ce thème des politiques et pour clore sur les résultats, qu’on me permette un petit coup de gueule sur le traitement médiatique de cette enquête. Voir titrer “les élèves français toujours médiocres” et autres titres de la même pâte (à Pisa...) est profondément agaçant. Encore une fois il faut rappeler que ce ne sont pas les élèves qu'on évalue mais le système…


PISA et Politiques
Mardi dernier, la présence de la ministre de l’Éducation Nationale au siège de l’OCDE lors de la présentation de l’enquête était une grande première. Elle s’est vue remettre à cette occasion un petit livret intitulé PISA 2015 : les défis du système éducatif français et les bonnes pratiques internationales. Ce qui est également inédit.
Ce qui donne le titre suivant dans Le Parisien L’OCDE met en garde la droite française” . Christel Brigaudeau note que “l’organisation internationale s’est livrée à un plaidoyer pas du tout subliminal en faveur de la politique de Najat Vallaud-Belkacem, invitée — une première pour un ministre de l’Education nationale — à commenter les résultats de Pisa 2015 à la tribune en même temps que les experts de l’OCDE.” Et elle remarque que même si la formation continue des enseignants, quasi-inexistante, reste un point noir du système français, l’OCDE voit d’un bon œil les politiques engagées par la gauche depuis 2012. “Nous avons un message : il faut vraiment continuer dans cette politique là, et ne pas revenir en arrière, car cela fait perdre du temps, et la France a déjà perdu beaucoup de temps” résume Eric Charbonnier, l’expert français de l’OCDE sur les questions d’éducation. Selon lui, “il y a eu une prise de conscience de ce gouvernement qu’il faut agir sur les inégalités, et qu’on peut associer la qualité et l’équité sociale” dans le système scolaire, insiste le spécialiste, appelant à “de la patience” pour juger sur pièces. Au passage, on peut noter qu’étant donné le climat actuel dans l’éducation nationale, il n’est pas sûr que ce genre de titre et cette information soient vraiment une bonne chose pour la cause de l'école. Mais nous y reviendrons.
Que dit cette brochure. remise à la ministre ? Elle recense les “bonnes pratiques” dont la France pourrait s’inspirer et pointe quatre défis à relever pour notre système éducatif :
- Rendre le système éducatif plus équitable en France et soutenir les élèves et les établissements défavorisés
- Lutter contre l'échec scolaire dés le plus jeune âge
- Améliorer la qualité de l’enseignement et de la transmission du savoir dans le primaire et le secondaire, et revaloriser le métier d’enseignant
- Rehausser la qualité et la valorisation des filières professionnelles au lycée
. Pour ceux qui s’intéressent à l’innovation et au changement du système éducatif ce petit livret de 28 pages est à lire en détail. On pourra aussi le compléter par une enquête dans Libération qui revient sur quelques exemples étrangers.
Signalons brièvement, qu’à la suite de cette approche comparatiste, plusieurs journaux se lancent avec plus ou moins de bonheur dans des analyses sur ce qui se fait ailleurs. C’est ainsi qu’on a droit à plusieurs articles sur la méthode de Singapour pour l’enseignement des mathématiques qui sentent un peu le coup médiatique et éditorial... On a l’impression qu’on va nous en resservir à toutes les sauces de cette méthode de Singapour...
Quand on lit ces résultats on peut être tenté par un raccourci facile. Est-ce à dire que les efforts entrepris ces dernières années pour réduire les inégalités scolaires (relance de la scolarisation précoce dans les zones défavorisées, refonte de l’éducation prioritaire, dispositif « plus de maîtres que de classes » déployé dans les écoles qui concentrent le plus de difficultés, etc.) ont été vains ? C’est ce que laisse entendre la députée Annie Genevard, déléguée générale pour l’éducation chez Les Républicains. “La France conserve son triste titre de championne des inégalités sociales à l’école ! Échec de la politique de @najatvb , écrit-elle sur Twitter. La remarque montre surtout que les difficultés de calcul ne concernent pas seulement les élèves de 15 ans. Car la soustraction est pourtant facile à faire comme nous le relevions déjà dans notre bloc-notes de la semaine dernière . Les enfants qui sont évalués par le PISA 2015 sont donc nés en 2000 et ils ont fait l’essentiel de leur scolarité à partir de 2005 (Loi Fillon) et principalement sous une politique de “droite”. Si on veut vraiment évaluer les effets de la politique actuelle, il faudrait attendre le PISA 2021...
Le temps de l'éducation est un temps long. Il supporte mal les raccourcis médiatiques et les commentaires politiques rapides
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Pisa Choc ou déni ?
J’espère que l’accumulation de ces évaluations va permettre une prise de conscience dans la société, estime Jean-Paul Delahaye, ancien directeur de l’enseignement scolaire dans Libération . Et que cela nous permettra d’agir, au-delà de nos clivages politiques.”.
Ces enquêtes tendent un miroir assez cruel à ceux qui se bercent de l’illusion que notre système fonctionne rajoute Régis Malet, professeur en sciences de l’éducation à Bordeaux toujours dans Libération
La France reste la championne des inégalités, nous l’avons vu c’est quand même l’information principale de cette enquête, mais cela va t-il engendrer un “Pisa-Choc” comme cela a été le cas dans d’autres pays ? Rien n’est moins sûr. Après les quelques jours de commentaires, on se rend compte que le soufflé médiatique retombe vite. Sans que cela n’engendre une réelle prise de conscience dans l’opinion. Comment expliquer cela ?
Cela fait sept ans que je suis journaliste éducation et sept ans que j’écris que la France est championne des inégalités socio-scolaires. écrit Louise Tourret sur Slate.fr […] La France est-elle condamnée à reproduire ses échecs en matière d’éducation? […]On a les débats qu’on mérite, l’école qu’on mérite. Aucun enfant qui entre en maternelle, en CP, n’est responsable ni de l’inanité de nos débats sur l’école, ni du manque de volonté collective à changer les choses. Et cette volonté, ce n’est pas seulement celle ou non des ministres de l'Éducation, c’est celle de toute une société. Pour l’instant, tout se passe en France comme si on avait développé l’art de dire tout et son contraire sur l’école, entre pessimisme et mélange de solutions qui ne fonctionnent pas à force d’être juxtaposées, mollement mises en place et appliquées avec difficulté.
 Pour changer l’école, et rendre notre système éducatif plus efficace et plus juste, il faudrait établir un consensus social et politique. Avec pour objectif de vouloir vraiment faire réussir davantage d'enfants, mais aussi de trouver les moyens d'y parvenir au sein même de notre belle école. Je ne le vois pas venir pour l'instant. J’aimerais, à l’instar de beaucoup d’observateurs politiques, me planter lourdement.”. Claude Lelièvre, historien de l’éducation, dans le JDD.fr confirme cette accoutumance aux inégalités : "Notre système éducatif s’est construit par le haut. Ce n’est pas un hasard si la France est le pays des classements, des concours et des grandes écoles. Chez nous, ceux qui s’intègrent dans et par l’école continuent à bien s’en sortir. C’est pour cela que, passé l’émotion du moment, les résultats de Pisa n’entraînent pas des mesures drastiques”. Une analyse assez voisine chez François Dubet dans Les Échos : Depuis que Napoléon, dans un pays ayant éliminé ses élites naturelles issues de l'héritage du sang et de la noblesse avec la Révolution, a construit un lycée dédié à « préparer les élites scolaires qui allaient sauver le pays ». L'école continue aujourd'hui à produire des élites de manière précoce. Et il montre que cette pédagogie adaptée aux élites est ancrée depuis longtemps dans notre système scolaire. “Dans les pays qui réussissent le mieux, on va fixer aux élèves un objectif accessible, comme de courir le 100 mètres en 13 secondes, afin que chacun y parvienne, et on soutiendra celui qui va plus vite que les autres, relève François Dubet. En France, on leur demandera de ­courir le 100 mètres en 10 secondes, on aidera ceux qui n'y arrivent pas, mais ils ne courront pas plus vite pour autant...
Une autre difficulté tient aussi aux postures politiques, en particulier dans l’opinion enseignante. Nous évoquions plus haut le soutien de l’OCDE à la politique menée par le gouvernement actuel, et en effet, il n’est pas certain que ce soit un atout pour faire accepter cette politique chez certains enseignants. En France, on se préoccupe plus de "Qui" parle (et d'"") que de ce qui est dit. Que ce soit l'OCDE, considéré à tort ou à raison comme le bras armé du libéralisme, qui dise qu'il faut aller vers plus d'interdisciplinarité et de pédagogie différenciée ne peut que conforter certains dans leurs refus des réformes .
Alors qu'on est censé former nos élèves à l'esprit critique et de se méfier du complotisme, nous réagissons nous mêmes de manière très mécanique à des signaux envers lesquels nous sommes incapables de prendre du recul. « OCDE = libéralisme = mal absolu» c'est rapide et confortable et ça empêche un peu de réfléchir. Sans tomber dans la naïveté, on peut faire l'hypothèse qu'au sein de l'OCDE comme de toute organisation, il y a des tensions et des logiques qui s'affrontent et se télescopent. De fait, si ce que dit l’OCDE et ses représentants était formulé par Bourdieu (et je peux fournir des textes assez voisins de l'icône de la gauche radicale) , ça passerait beaucoup mieux !
Au risque d’agacer (encore plus !) certains enseignants, on peut redire que la critique (nécessaire et légitime, nous y reviendrons) de Pisa ne doit pas faire oublier que ce constat n’est pas isolé. Et il ne faudrait pas tomber dans le déni en se réfugiant dans une posture gauchiste et un maximalisme qui masqueraient au final un conservatisme pédagogique et un refus de prendre à bras le corps une réflexion sur les finalités de l'école...
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Recette de PISA
Pour clore avec le sujet de PISA, il est quand même nécessaire de revenir sur sa méthodologie et les critiques qui lui sont adressées. Ces critiques sont légitimes comme pour toute démarche d’enquête.
Le Monde consacre un long article à cette question. “Les résultats de PISA sont-ils valides ? La réponse est oui, y assure Georges Felouzis, sociologue à l’université de Genève. Je ne connais pas d’autres enquêtes de cette échelle dont la méthodologie est aussi robuste.”. On peut relever un avis assez voisin chez Charles Hadji dans The Conversation. Pour lui, malgré quelques biais et marges d’erreurs, cela “n’enlève rien à la richesse des données recueillies, ni à l’intérêt de la périodicité régulière du recueil d’informations, qui rend possible le constat d’évolutions. ”.
Ce n’est pas le même avis pour les chercheurs Bertrand Daunay et Daniel Bart interrogés par L’Humanité . Pour eux, il s’agit d’un “discours qui se veut de vérité, mais qui est orienté”. Et ils critiquent surtout la manière dont cette enquête est présentée et interprétée : “cela produit des propos de « bon sens », qui tendent plus à la culpabilisation des personnes, notamment les enseignants et les parents, qu’à la mise en cause des orientations promues par l’OCDE…
Dans ce chapitre de la critique de la méthodologie et de l’usage de Pisa, il faut aussi signaler la position de la Suisse. Alors que les résultats suscitent des débats dans le monde entier nous dit Le Monde, en Suisse, pourtant bien classée, la réaction est tout autre. Elle se “révolte contre PISA” nous dit le journal suisse Le Temps et conteste la validité des résultats de cette évaluation internationale des élèves “Nous sommes confrontés à un très sérieux problème de qualité dont les conséquences sont difficilement mesurables, écrit le président de la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique, dans une lettre envoyée au secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria. La nouvelle manière de mener l’enquête en 2015, après cinq éditions organisées depuis 2000, fait l’objet d’un feu nourri de critiques, le conseiller d’Etat juge impossible de comparer les résultats avec ceux des études précédentes, tant la méthodologie a changé entre les éditions. Dans un communiqué, le Syndicat des enseignants romands partage ces réserves, jugeant le travail de l’OCDE peu professionnel.
Affaire à suivre.
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Fillon-Le Pen
Il n’y a pas eu que la livraison de Pisa à se mettre sous la dent durant cette semaine riche en actualités éducatives. Ce sont aussi les déclarations et propositions de deux responsables politiques de la droite libérale (Fillon-Longuet) et une de la droite extrême (Le Pen) qui ont suscité de nombreux commentaires.
Dans Les Échos, Marie-Christine Corbier s’appuie sur les déclarations de proches du candidat pour préciser ses propositions éducatives. Dans l'école de François Fillon, la maîtrise des fondamentaux commencerait par une scolarité obligatoire dès 5 ans. Le programme de grande section de maternelle serait de nouveau revu - il a été modifié en 2015. L'acquisition des connaissances de base serait vérifiée par « des tests », “au moins un par an jusqu'à 15 ans” Les élèves en difficulté seraient “aidés par un soutien de l'enseignant à travers son temps de présence dans l'établis­sement, et éventuellement en dehors des heures de classe” Les écoles (primaires) deviendraient des établissements publics, avec des élus à leur conseil d'administration, et le directeur aurait autorité hiérarchique sur les professeurs des écoles. Le collège doit être repensé selon le porte-parole de François Fillon. Les classes bilangues, qui « ont porté leurs fruits », seraient relancées pour « étendre l'excellence ». Durant les deux premières années de collège, l'élève verrait, par ailleurs, son nombre d'enseignants réduit à cinq, un seul professeur devant enseigner plusieurs disciplines. François Fillon entend aussi « mettre le paquet », selon son porte-parole, sur la formation - initiale et continue - des enseignants et les méthodes d'apprentissage, pour “ les mettre au contact des meilleures pratiques pédagogiques, comme les expérimentations de la fondation Agir pour l'école, financées notamment par l'Institut Montaigne. Le programme de François Fillon pour l'éducation passe aussi par “une certaine autonomie des établissements dans la mise en œuvre de la politique éducative” Les chefs d'établissement du second degré auraient “le choix de leurs personnels, dont les enseignants”. Et bien d’autres choses encore que je vous laisse découvrir dans cet article.
Le sénateur Gérard Longuet, lui aussi très proche de François Fillon, a publié cette semaine un rapport sénatorial qui prévoit d'inclure dans le temps de travail des enseignants les deux heures supplémentaires que font en moyenne les enseignants dans un nouveau cadre annualisé. Le temps de travail des agrégés serait aligné sur celui des certifiés, faisant passer leur temps hebdomadaire de 15 à 20 heures. Dans le Café Pédagogique, François Jarraud retient de ce rapport la violence et la détermination des Républicains pressés de passer à l'action... On peut aussi le voir comme un ballon d’essai ou plutôt une diversion en jouant sur les oppositions (et les rancœurs) entre les catégories comme Sarkozy en avait joué en 2012 en proposant d'aligner les obligations de service des personnels du second degré sur .... celles du 1er degré ! Le risque est aussi que ce type de projet prenne la forme d’une défense du statu quod alors qu’on a besoin de contre-propositions et non d'un repli et d’une position strictement défensive. Najat Vallaud Belkacem a réagi à cette proposition en déclarant que cette proposition “révèle la méconnaissance profonde” du travail des enseignants. Selon elle, il faut mieux reconnaître le travail des enseignants, pas les faire travailler plus.
Toujours à propos de François Fillon, Olivier Caremelle dans une tribune pour Le Monde rappelle aussi le bilan de l’ancien premier ministre durant le quinquennat Sarkozy. Et il avertit : “N’ayons pas la mémoire courte !
Pendant ce temps, Marine le Pen a déclaré que si elle était élue ce serait “la fin de la récréation” pour les élèves étrangers. “Je considère que la solidarité nationale doit s'exprimer à l'égard des Français”, a affirmé la présidente du Front National. Puis elle a précisé : “Je n'ai rien contre les étrangers, mais je leur dis : Si vous venez dans notre pays, ne vous attendez pas à ce que vous soyez pris en charge, à être soignés, que vos enfants soient éduqués gratuitement, maintenant c'est terminé, c'est la fin de la récréation !”. Non, le Front National n’a pas changé, et la droite non plus…
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Lectures
Les traditionnels conseils de lecture de fin de bloc-notes sont cette semaine marqués par le copinage et l’auto-promotion assumée...

L’ami Pierre Mathiot, est aujourd’hui délégué ministériel aux parcours d’excellence et professeur des universités à Sciences Po Lille. Alors directeur de cet établissement, il avait créé le programme PEI, une préparation aux concours des Instituts d’études politiques destinée aux élèves de condition modeste. Il donne une interview au journal Le Monde où il prône le renforcement de l’accompagnement des jeunes les plus fragiles vers l’enseignement supérieur.

Et comme il n’y a pas de raison de se priver de le faire, je signale pour terminer le dernier numéro des Dossiers d’Alternatives Économiques intitulé “Réinventer l’école, un tour de France des initiatives ”. On y trouve des contributions intéressantes : Fabien Truong, François Dubet, Marie Duru-Bellat, Françoise Lantheaume, François Taddéi, Luc Ria, Michel Quéré, Marianne de Brunhoff, Jean-Marc Monteil, Philippe Meirieu, Claude Lelièvre... Il y a aussi plusieurs reportages qui recensent de nombreuses initatives.
Et puis, la rédaction d’Alternatives économiques a également organisé une rencontre avec la Ministre auquel j’ai eu l’honneur de participer. On peut se procurer tout le numéro sur la boutique mais l’entretien lui même est en accès libre sur AlterEcoPlus . On y parle d'innovation, de conduite du changement dans l'école, des inégalités...
Pour terminer ce volumineux bloc-notes, j’en retiens ce qui est quasiment la conclusion apportée par la Ministre : “ je suis catastrophée par l’état actuel du débat sur l’éducation. Il révèle de la part de certains tribuniciens une véritable détestation des enseignants et une indifférence complète au sort de ceux qu’ils voient d’abord comme de « mauvais élèves ». L’histoire de l’école n’est malheureusement, comme l’histoire des guerres, racontée que par les vainqueurs, jamais par ceux qui y ont souffert. Je suis indignée, par exemple, par le hold-up sémantique sur des termes comme le mérite. Comme si le mérite était un inné. Comme si le milieu dans lequel on se construit et dans lequel on est accompagné n’avait pas d’influence sur notre capacité de travail et, même, sur notre goût de l’effort. Tout cela s’apprend, et c’est à l’école de l’enseigner, mais encore faut-il lui en donner les moyens. En réalité, ce que les discours réactionnaires qui ont actuellement le vent en poupe combattent, c’est l’égalité.

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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samedi, décembre 03, 2016

Bloc-Notes de la semaine du 28 novembre au 4 décembre 2016

- Sans Lui – Coucou Robert – pas les boss des maths – Pisa Rapido – Butinages – .

J'ai fait appel à un très vieil ami pour m'aider...
Hommage à Gotlib (1934-2016)

Le renoncement c’est maintenant... Et cette annonce est le point de départ d’une période de bilans et de rétrospectives où l’éducation aura toute sa part. L’autre mot clé du bloc notes est “palmarès”. La parution cette semaine de l’enquête TIMSS sur les mathématiques conduit les élèves français au fond du classement. Ce ne sont pas les boss des maths...En attendant la parution le 6 décembre des résultats de l’enquête PISA...







Sans lui
Le renoncement c’est maintenant…
Jeudi 1er décembre, 20h00. À l’issue d’une déclaration où il énumère les réalisations de son quinquennat, le Président de la République, François Hollande annonce qu’il renonce à se représenter pour briguer un second mandat. Dans cette courte déclaration (8 minutes) il évoque l’éducation avec cette phrase : “J’ai voulu aussi que l’école dispose des moyens indispensables, ceux-là même qui lui avaient été ôtés dans la période précédente parce que l’école, c’est le pilier de la République. ” Et il ajoute plus loin avant la phrase fatidique “Voilà ce que j’ai fait. Voilà ce que j’assume devant vous en revendiquant les avancées, en reconnaissant les retards et même en admettant certaines erreurs parce que je porte un bilan et j’en assume toute la responsabilité.”. C’est, bien sûr, un évènement politique majeur. Il ne concerne évidemment pas uniquement le domaine de l’éducation. Mais comme ce sujet avait été un thème fort de la campagne de 2012, c’est une partie importante des bilans et rétrospectives qui commencent dès maintenant dans la presse et le débat politique.
L’éducation fait partie de ces domaines où l’on ne pourra pas faire à la gauche, au terme du quinquennat, un procès en immobilisme. Mais un procès en illisibilité, beaucoup le lui ont déjà intenté : d’un bout à l’autre du mandat de François Hollande, qui avait fait en 2012 de la jeunesse et de l’école ses « priorités », les réformes se sont enchaînées à un rythme tel que la cohérence d’ensemble du projet, pourtant gravé dans le marbre de la « loi Peillon » (2013), échappe aujourd’hui à une frange de l’opinion. ” C’est l’analyse en forme de bilan de Mattea Battaglia dans un article du Monde intitulé “François Hollande et l’école : le grand malentendu”. Un titre qu’elle explique : “Ces cinq dernières années, la communauté éducative a accueilli au mieux avec réserve, parfois avec une franche hostilité, des mesures qui, sur le papier, semblaient pourtant être attendues – voire acquises. C’est l’un des enseignements de ce quinquennat : en matière d’éducation, le consensus n’existe pas. ”. Le bilan de l’action en matière d’éducation est en effet contrasté. Je m’étais risqué à en proposer un en avril dernier quelques jours avant la réunion organisée au Palais Brongniart par le Ministère. J’y pointais le manque de lisibilité des réformes qui n’ont pas toujours été mises en cohérence et auxquelles il a manqué un slogan . On peut craindre que dans les mois qui viennent, le bilan ne se limite pour beaucoup à la seule question des postes. C’est ce qui est le moins difficile à mesurer même si là aussi les polémiques existent : comment compter les stagiaires ? bruts ou nets ? créés ou pourvus ?… Mais, dans le domaine de l’éducation, il est très difficile d’évaluer rapidement les effets des mesures mises en œuvre. Le temps de l’éducation n’est pas celui du politique...
C’est en substance, ce que rappelle Adrien Sénécat dans Le Monde en soulignant qu’on ne dispose pas ou très peu d’indicateurs pour juger les effets (positifs ou négatifs) de la politique menée depuis 2012. L’école française était mal classée dans la dernière enquête Pisa publiée en 2013, mais cette dernière avait été réalisée en 2012 – difficile, donc d’incriminer le gouvernement actuel. La prochaine enquête Pisa, celle de 2015, doit être publiée le 6 décembre prochain. Et elle a donc été réalisée en 2014 sur des élèves de 15 ans révolus et qui ont donc fait l’essentiel de leur scolarité entre 2005 et 2014. Ils étaient en 6ème en 2010 et au CP en 2005. Les enfants qui sont rentrés au cours préparatoire en 2012 seront évalués dans l’année 2021 par le système PISA. ... Les deux autres études récentes sur le niveau des élèves en dictée ou en mathématiques et en sciences (voir plus bas le chapitre sur TIMMS) ont également de quoi inquiéter. Mais comme elles ont été réalisées en 2015, elles ne prennent pas en compte certaines réformes comme les nouveaux programmes instaurés à la rentrée 2016.
La question de la visibilité se pose aussi pour les enseignants eux mêmes. Question de timing et aussi de masse... La moitié des postes créées concerne des enseignants en formation. Et on ne voit donc pas encore les effets à long terme de ces nouveaux postes. D’autant plus que cela se combine avec la hausse démographique des dernières années. Par ailleurs les créations se sont faites surtout dans le premier degré et peu dans le secondaire. Or, étant donné le nombre d’écoles primaires en France (plus de 52.000 !), les postes créés ont eu peu d’impact sur le quotidien de la majorité des enseignants. Quant à la revalorisation des salaires, engagée et visible dans le primaire, elle arrive tardivement et ne semble pas être perçue par tous les enseignants.
Un boulevard pour la droite ? demande Mattea Battaglia, C’est mal connaître le monde enseignant que de l’imaginer séduit par le programme qui s’esquisse autour de François Fillon, tout juste investi comme candidat de la droite. ” ajoute t-elle. La dureté de ce programme ravive en effet, fort à propos, la mémoire du monde enseignant. Mais il serait illusoire de croire que cela suffirait par réflexe pour les ramener dans le giron de l’électorat de la gauche de gouvernement. D’autant plus qu’un certain nombre d’enseignants gardent une vive amertume face à certaines réformes et ils peuvent même être séduits pas la verticalité prônée par le discours de droite et le retour faussement nostalgique à une école du “bon vieux temps”...
Contre les réductions de postes, le syndicalisme enseignant mettra-t-il ses querelles au second plan ? C’est la question que pose Luc Cédelle à deux acteurs majeurs du syndicalisme enseignant. Bernadette Groison (FSU) dans la lettre de l’éducation du 28 novembre et Christian Chevalier (SE-UNSA) dans la lettre datée du 5 décembre . Quand on fait remarquer à la secrétaire générale de la FSU que certains de ses adhérents ont passé quatre ans à suggérer que les 60 000 postes étaient plus ou moins illusoires et que le pouvoir en place ne se distinguait guère de la droite, elle répond “La FSU n’a jamais tenu ce discours. Il y a eu des désaccords sur certains sujets - les rythmes, le collège... -, mais nous n’avons jamais dit que les 60 000 postes n’étaient pas créés, même s’il peut en manquer quelques centaines dans le dernier budget et s’il reste, dans certaines disciplines, des postes vacants. Nous avons toujours été, ces dernières années, dans la nuance. Or la nuance, c’est cela qui est difficile à pratiquer dans notre pays. ”. Christian Chevalier lui répond une semaine plus tard : “Nous ne sommes pas d’accord sur de nombreux aspects de la refondation, mais nous nous trouvons aujourd’hui face à des projets qui font l’unanimité contre eux et seraient de nature à justifier une bataille commune.”. Le projet éducatif de François Fillon pourrait-il être le ciment capable de ressouder un monde syndical fracturé et remobiliser une opinion enseignante désabusée ?


Coucou Robert...
La ministre a commenté sur son site personnel et sur les réseaux sociaux la décision du chef de l’État et se dit “fière du bilan de l’action de redressement du pays qu’il aura engagée”. Et d’une certaine manière, une bonne partie de son action est d’ores et déjà dans la valorisation du bilan de l’action gouvernementale dans le domaine qui est le sien. Et elle fait preuve d’une réelle combativité dans la campagne qui a d’ores et déjà commencé. On peut en donner deux illustrations.

C’est d’abord dans la publication d’un calendrier de l’avent de la désintox où elle démonte les principales rumeurs et fausses affirmations dont elle et son action ont été l’objet.

La combativité on la trouve aussi dans sa visite à Béziers vendredi au lycée Jean Moulin où elle y a entonné "Le Chant des partisans" . Elle participait à un atelier autour de l'EMC sur le thème des valeurs de la République, la ministre de l’Education a pu apprécier les projets des élèves de terminales S et L, dont un portait sur la vie du résistant Jean Moulin. Une occasion pour la ministre d’évoquer « Le chant des partisans ». Elle a ainsi demandé à la cinquantaine de lycéens présents : «vous connaissez les paroles » avant de rajouter «j’aime beaucoup ce chant, donc allez-y, chantez-le ?» Pour accompagner sur Twitter la vidéo du chant, la ministre de François Hollande a écrit ce message : " la République est partout chez elle. Dans la ville de Jean Moulin comme ailleurs, l'Histoire ne doit être ni falsifiée, ni instrumentalisée." Un petit message à l'adresse du maire de la ville, Robert Ménard...
Coucou Robert... !


Pas les boss des maths…
Il y a quinze jours, c’était l’orthographe… Cette semaine, ce sont les mathématiques. Et la semaine prochaine , on reprendra bien une part de PISA ?
L’étude de la semaine était donc une enquête internationale nommée Timss (Trends in mathematics and science study) . Créée en 1995, elle "teste" des enfants de trois niveaux scolaires: la 4e année de scolarité obligatoire (le CM1 en France), la 8e année (la classe de 4e) et la fin de terminale scientifique. Elle est centrée sur les mathématiques et les sciences. L'enquête est coordonnée par une association non gouvernementale, l'IAE (qui publie aussi PIRLS ) et regroupe moins de pays que Pisa: 48 pour le niveau CM1 et neuf pour la terminale scientifique. En France, 5.000 écoliers de CM1 et 8.000 lycéens de terminale scientifique, issus de 150 établissements publics ou privés pour chaque niveau, ont passé les tests. Si, contrairement à Pisa, l’enquête TIMSS est peu connue du grand public en France, c'est que les élèves français n'y avaient pas participé. Sauf pour les Terminales S en 95. La France a décidé de se joindre à cette enquête en 2015, mais uniquement pour les CM1 et les terminales scientifiques.
Les élèves de CM1 de l’échantillon français ont obtenu un score moyen de 488 points en mathématiques et de 487 points en sciences. C’est en deçà de la moyenne internationale (500) et européenne (525). Si on raisonne en classement, ils sont bons derniers dans l'Union européenne en mathématiques et ils ne dépassent qu’un seul pays, Chypre, en sciences.
Pour les Terminales scientifiques, en maths et physique, seuls neuf pays ont participé à cette enquête et les comparaisons entre nations sont donc à manier avec précaution car les terminales scientifiques représentent 21,5% d’une classe d’âge en France, mais entre 2 et 35% dans les autres pays. En maths, les lycéens français se situent dans la moyenne. Mais c’est l’évolution qui inquiète . La France est le pays qui accuse la plus forte baisse (de 106 points), passant d’un score de 569 en 1995 à un score de 463 en 2015. Toutefois, si l’on ne prend que les résultats des terminales S à dominante maths (les autres sont en spécialité physique ou biologie) ou qui se destinent à une prépa, ils sont alors dans le groupe de tête, avec la Russie et le Liban. Dirk Hastedt travaille pour l’association internationale d’évaluation des performances scolaires (IEA) est .interviewé par Le Parisien. Pour lui, ces résultats devraient être “un signal d’alarme pour la France
La publication de ces résultats a provoqué de nombreuses réactions et analyses. Et un peu d’abattement... C’est ce qu’on retrouve notamment chez l’instituteur blogueur Lucien Marbœuf qui dit avoir eu le moral “dans les chaussettes ” après la lecture de ce rapport et surtout des articles le commentant. Car il est vrai que la tentation est grande pour la presse de chercher des “coupables” et alors d’enclencher le réflexe inverse de défense chez les enseignants. On peut céder aussi à la facilité de transformer en querelle politicienne la simple mention d’une évidence. Ainsi, la ministre a rappelé que l’enquête a évalué des élèves qui avaient été formés avec les programmes de 2008 et cela a été lu comme une mise en cause de François Fillon...
Les programmes sont en effet une partie de l’explication de ce niveau. Rémi Brissiaud chercheur en didactique du calcul considère dans le Café Pédagogique que ces programmes ont en effet une responsabilité importante. Mais l’historien Claude Lelièvre, dans un billet de blog nous rappelle opportunément que le niveau en maths des petits français est préoccupant depuis plus de 20 ans, dans l’indifférence générale. Il y a donc à rechercher des analyses plus complexes. Pour Stella Baruk, interrogée par Libération On se tromperait en pensant que “la question centrale était de rendre «concret» les nombres quand il faudrait au contraire passer par l’abstraction, assumer le fait que les nombres sont abstraits ”. Pour Bernard Egger, président de l’Association des Professeurs de Mathématiques, interrogé par L’Express , à l’inverse, ces mauvais résultats serait liés à un enseignement trop théorique. Il pointe aussi le fait que les mathématiques servent surtout aujourd’hui de moyen de sélection mais en perdant leur sens. La série S est aujourd’hui une série généraliste qui permet d’aller partout et donc moins spécialisée. Pour Jean-François Chesné, docteur en didactique des mathématiques et directeur scientifique du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), interrogé dans Le Monde sur les différents facteurs à l’origine des faibles résultats en mathématiques, la raison principale est à chercher dans le profil non scientifique des enseignants du primaire. Ce que confirme Bernard Egger “ pour une écrasante majorité d'entre eux [80%, d’après le Cnesco], ils viennent de filières littéraires. Lorsqu'ils deviennent enseignants, ils ont de vraies lacunes et de vraies craintes par rapport aux mathématiques.
Cédric Villani, médaille Fields, ne dit pas autre chose sur RTL.fr : "Il faut se rendre à l'évidence. Dans un système d'éducation, ceux qui font l'éducation ce sont les maîtres et les maîtresses, les enseignants, et c'est sur eux que doivent porter les efforts", relève t-il. "Ce qui veut dire les soutenir, leur donner les moyens de mener leur action, les former, leur laisser du temps pour tester, réfléchir et préparer". Et il ajoute "Un cours de maths c'est un temps de concentration, et ce qui compte c'est apprendre à raisonner." Selon Cédric Villani, cela demande donc du temps, et des enseignants plus nombreux et bien formés.
Ce genre d’études et la folie des palmarès qui l’accompagne conduisent aussi à aller chercher des solutions et des modèles ailleurs. Vous n'aviez pas entendu parler de "la méthode de Singapour" ? Vous allez en entendre parler...


PISA Rapido
Ce TIMSS n’est qu’un apéritif pour nous préparer à la digestion de PISA...
Les résultats de l’enquête internationale menée en 2015 devraient être révélés le 6 décembre prochain. Y aura t-il, cette fois-ci, un “PISA-Choc” ? C’est ce que souhaitait Jean-Paul Delahaye dans le Café Pédagogique il y a quelques jours. Pour l’ancien conseiller spécial de Vincent Peillon et ancien directeur général de l’enseignement scolaire, “La France a longtemps tergiversé et a perdu beaucoup de temps, préférant dénigrer le thermomètre, et a même pris de 2002 à 2012 l’exact contrepied de ce qu’il aurait fallu faire en supprimant 80 000 postes et une matinée de classe pour les enfants de l’école primaire (une mesure d’adulte pour les adultes et contre les enfants qu’aucun pays au monde n’a songé à imiter), en divisant par trois la scolarisation des enfants de moins de trois ans, en réduisant de façon scandaleuse les crédits sociaux destinés aux élèves pauvres, et en supprimant carrément toute formation professionnelle de ses enseignants, pour ne prendre que quelques exemples de politiques ayant aggravé notre situation. Une sorte de « PISA choc à l’envers » en quelque sorte.
Toutefois, gardons nous de tomber dans le travers des palmarès. C’est en substance ce que nous dit Marie Duru-Bellat dans The Conversation . Elles insiste sur les limites de ces enquêtes et rappelle qu’ “une enquête ne fait pas une politique”.
Mattea Battaglia dans Le Monde continue dans la même veine en insistant sur les dangers des comparaisons internationales quand on les lit uniquement sous l'angle du "palmarès".
Luc Cédelle, pour sa part, formule un espoir le temps des interprétations raisonnables est-il venu ? . “La principale donnée que PISA, depuis 2000, a fait émerger est que, par-delà les moyennes, l’école française est efficace pour les élèves privilégiés et inefficace pour les autres. Enquête après enquête, les écarts, insensiblement, se creusent. Ce constat, devenu banal, n’apporte en lui-même aucune conclusion tranchée en matière de politique éducative. En rapport avec l’actualité, il convient cependant de noter que les données de 2015 ne seront pas le résultat de la politique suivie depuis 2012... et qu’elles ne sauraient non plus justifier une réduction du nombre d’enseignants.


Butinages
Quelques choses lues et vues au gré des visites et butinages sur les sites et les réseaux sociaux.

Un entretien a suscité beaucoup d’intérêt et de réactions cette semaine. C’est une interview de Philippe Torreton sur VousNousIls où celui-ci affirme : “ Le théâtre, c’est de la connaissance absolue et de la connaissance de soi. Si j’étais ministre de l’Éducation nationale, je rendrais la pratique du théâtre à l’école obligatoire ! ”. Beaucoup de réactions positives (ou négatives) à cette proposition.
Tout comme à celle du psychiatre et psychanalyste Christophe André dans la rubrique “Moi Président” sur FranceInfo. “Moi président, je demanderai à ce que chaque journée d'école démarre par quelques minutes de méditation”. A méditer !

Il n’y a pas eu que le rapport TIMSS durant cette semaine très riche. Mardi dernier sortait une enquête basée sur une consultation, organisée par l’Unicef auprès de 22 000 jeunes âgés de 6 à 18 ans et vivant en France. Cette enquête montre que les jeunes des quartiers prioritaires estiment ne pas avoir les mêmes chances que les autres. Ils sont près de 13 % à estimer que leurs droits ne sont pas respectés dans leur quartier, contre 9 % pour la population globale de cette tranche d’âge, et 7 % estiment qu’ils ne le sont pas non plus en France, soit deux fois plus que ceux qui vivent en centre-ville (3,1 %), selon cette étude. Les enfants issus de ces quartiers éprouvent très tôt un sentiment de dévalorisation de soi et une perte de confiance dans l’avenir : 54 % témoignent d’un manque d’accès aux savoirs, contre 37 % en centre-ville. Près de 41 % disent manquer d’activités culturelles ou de loisirs (contre 25 % en centre-ville), 22 % sont en situation de privation matérielle (12,6 % en centre-ville). On lira surtout avec intérêt l’interview dans L’Obs du sociologue Serge Paugam qui a coordonné cette enquête.

Signalons aussi pour conclure une tribune parue sur le site Linkedin de Bruno Magliulo . Dans un texte intitulé “Donner du sens aux changements survenant dans le système éducatif”, cet ancien inspecteur pointe que la façon dont on conduit le changement dans le système éducatif français a “ tendance a nettement plus mettre en avant le "comment" des diverses réformes (qu'a-t-on décidé ?Comment se propose - t - on de le faire ? Avec quels "outils" ?), que le "pourquoi" (sur quel diagnostic du système repose cette réforme ? Quels sont les faiblesses et les dysfonctionnements que l'on se propose de corriger ?). Or, à l'évidence selon nous, si on veut donner du sens aux changements que porte une réforme, et donc obtenir l'adhésion de ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre, ainsi que de ceux qui sont supposés en recueillir les fruits en termes de réussite scolaires des élèves, il faut commencer par faire cela. Si nous observons la façon dont est portée la dernière en date des grandes réformes du système éducatif - celle du collège, entrée en vigueur en septembre 2016 - nous disposons d'une illustration de ce que nous dénonçons : de gros efforts ont été et sont encore accomplis pour offrir aux enseignants des stages et documents visant à faciliter la mise en œuvre de la réforme, mais il y a eu - une fois encore - un grand déficit de préparation des esprits pour convaincre ces mêmes enseignants du bien fondé d'une telle réforme. Il ne faut donc pas s'étonner que tant d'entre eux ne manifestent aujourd'hui guère de zèle pour la mettre en œuvre, la façon dont on conduit le changement dans le système éducatif français, force m'est de constater que les représentants de l'institution, porteurs d'une réforme auprès des équipes dans les établissements, mais aussi des familles, ont tendance a nettement plus mettre en avant le "comment" des diverses réformes (qu'a-t-on décidé ? Comment se propose - t - on de le faire ? Avec quels "outils" ?), que le "pourquoi" (sur quel diagnostic du système repose cette réforme ? Quels sont les faiblesses et les dysfonctionnements que l'on se propose de corriger ?). 
Or, à l'évidence selon nous, si on veut donner du sens aux changements que porte une réforme, et donc obtenir l'adhésion de ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre, ainsi que de ceux qui sont supposés en recueillir les fruits en termes de réussite scolaires des élèves, il faut commencer par faire cela. Si nous observons la façon dont est portée la dernière en date des grandes réformes du système éducatif - celle du collège, entrée en vigueur en septembre 2016 - nous disposons d'une illustration de ce que nous dénonçons : de gros efforts ont été et sont encore accomplis pour offrir aux enseignants des stages et documents visant à faciliter la mise en œuvre de la réforme, mais il y a eu - une fois encore - un grand déficit de préparation des esprits pour convaincre ces mêmes enseignants du bien fondé d'une telle réforme. Il ne faut donc pas s'étonner que tant d'entre eux ne manifestent aujourd'hui guère de zèle pour la mettre en œuvre.

Bonne Lecture...

Philippe Watrelot

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dimanche, novembre 27, 2016

Bloc-Notes de la semaine du 21 au 27 novembre 2016





- Pédagogues prétentieux – Un pas après l’autre – École/entreprise – Ailleurs – Butinages –

Un bloc notes morose. Les propos de F. Fillon sont évidemment à l’honneur avec sa sortie sur les “pédagogues prétentieux” et ses mensonges sur Clovis... Mais la promotion dans un documentaire à la télévision d’une école pilotée par des réactionnaires ultra-libéraux n’as pas de quoi nous réjouir non plus. Tout comme les nouvelles en provenance du monde économique et celles en provenance de différents pays : Maroc, Turquie, USA. Il y a des semaines, comme ça...


Clovis et les pédagogues prétentieux
"Ces organisations qui bloquent depuis des années les réformes de l'École commettent un crime contre la jeunesse et elles devraient en répondre devant la société française. Ce n'est pas la compétence et le dévouement des enseignants qui est en cause ; c'est la démission de l'État devant les syndicats, c'est la dictature d'une caste de pédagogistes prétentieux, et ce sont des réseaux de pouvoir au sein de l'Éducation nationale qui sont responsables de ce désastre."
François Fillon, Lyon, 22 novembre 2016
Ces mots prononcés lors d’un meeting ne sont pas uniquement des propos de tribune. On se souvient que François Fillon avait déjà parlé de pédagogues prétentieux lors de l’ultime débat du premier tour de la primaire de la droite. Et la phrase citée en exergue se retrouve presque mot pour mot (“pédagogues” au lieu de “pedagogistes”) dans une longue interview que l’ancien premier ministre (et ministre de l’éducation) a donné au mouvement SOS Éducation (il a aussi répondu aux questions de JP Brighelli... ). Je conseille d’ailleurs de faire l’effort de visionner cette vidéo où le candidat y parle des "fondamentaux”, d'un examen d'entrée en 6eme, de l'autonomie des établissements mais aussi de sa volonté de développer le secteur privé et une forte autonomie des établissements, de l'enseignement professionnel confié aux régions et au entreprises, de l'enseignement de l'histoire où il estime qu'il y a un “biais idéologique” et de la nécessité que l'École contribue fortement au sentiment d'identité nationale (conclusion de l'entretien qu’on retrouvera aussi dans le débat télévisé de jeudi). 
L'interview est traversée aussi à plusieurs reprises par des considérations sur le poids excessif des syndicats et des “réseaux de pouvoir” où l’on peut trouver cette phrase.
Après le score “surprise” de François Fillon au 1er tour, de nombreux articles se sont penchés plus précisément sur ses propositions dans tous les domaines. Pour l’éducation, on peut déjà aller lire directement à la source sur Fillon2017.fr où la partie sur l’éducation est bien détaillée. De nombreux articles se livrent aussi à un comparatif des deux programmes (Juppé/Fillon). C’est le cas du Figaro et de 20minutes.fr, du journal Les Échos ou encore du Monde . D’autres se concentrent sur la présentation du probable vainqueur de la primaire. C’est le cas de François Jarraud dans le Café Pédagogique ou du site d’information VousNousIls qui font une présentation neutre du programme de l’ancien ministre de l’éducation de Jacques Chirac. Mais on trouvera aussi des analyses plus polémiques, comme celle de Bernard Girard sur Médiapart qui parle d’“un coup de massue pour l’école”, de Jean Michel Zakhartchouk sur son blog hébergé par EducPros qui voit une évolution “vers une école plus injuste et plus inefficace”, ou bien encore celles de Claude Lelièvre dans un billet sur Médiapart où il revient sur son action passée en tant que premier ministre et ministre de l’éducation et dans un autre billet sur le site de L’Obs où il estime que F. Fillon renie l’héritage de De Gaulle. Tous mettent en avant le ton très conservateur du discours de l’élu parisien originaire de la Sarthe mais aussi les mesures très libérales et favorables au privé qu’il prône ainsi que la brutalité de ce qui est réservé aux enseignants. On souligne aussi les renoncements qui caractérisent ce programme et surtout à l’ambition du collège unique avec la mise en place d’un tri sélectif précoce reniant l’héritage même de la loi Haby.
Clo(tour de)vis...
Et puis, il y a l’Histoire... C’est ce qui a fait le plus de bruit médiatique. Les propos outranciers et les mensonges délibérés expliquent cela mais on peut regretter que cela fasse passer au second plan tout le reste que nous venons d’évoquer et qui est tout aussi dangereux. Lors du débat du deuxième tour, en un refrain désormais familier, le favori de la primaire à droite a réitéré ses griefs contre ces “idéologues” qui rédigent les programmes d'histoire à l'école, et le truffent d'oublis. “Ce qui ne me plaît pas, c’est qu’on choisit les périodes qui correspondent à l’idéologie qu’on défend”, a-t-il expliqué, accusant les programmes scolaires actuels d'avoir éliminé “Clovis, Jeanne d’Arc, même Rousseau et Voltaire”. “Je veux que les programmes soient rédigés par des académiciens, des historiens et non pas par des politiques”, a fait préciser l'ancien Premier ministre sur son compte Twitter. Le message a aussitôt été retweeté par Sens commun, extension politique de la Manif pour Tous qui soutient le candidat. Aussitôt les réseaux sociaux ont réagi et les enseignants ont rétabli la vérité en rappelant que aucun des personnages historiques cités sont oubliés dans les nouveaux programmes de primaire et de collège. Et il est important de rappeler aussi que les programmes sont élaborés par une instance indépendante contrairement à la période précédente.
Les "décodeurs" et tous les pratiquants du “fact checking” ont donc eu du boulot avec ce débat (et pas seulement pour l’éducation mais ce n’est pas notre sujet...). On peut citer l’excellente mise au point des décodeurs du journal Le Monde qui reprend les programmes actuels tout comme le service Désintox de Libération ou une vidéo “Désintox” d’Arte .
On pourrait presque ranger dans cette catégorie la longue réponse de la ministre d’abord publiée sur Facebook puis sur son site personnel. Mais elle va au delà du rétablissement des faits pour se livrer aussi à une réponse très politique. Pour elle, le débat sur les programmes d’histoire est “un écran de fumée pour éluder les vrais enjeux de l’École”. Et elle interpelle le candidat : “S’il n’y a pas d’enseignant dans la classe, il n’y aura pas de Clovis, et il n’y aura pas de récit national transmis à qui que ce soit. Et encore moins aux élèves des établissements dans les quartiers populaires qui, si j’ai bien compris, sont soupçonnés plus que d’autres, de ne rien savoir de la France, ou pire, de ne pas l’aimer. Donc, je crois qu’à ce stade du débat public, les Français sont en droit d’exiger de François Fillon qu’il leur dise d’abord comment il prévoit l’enseignement de l’histoire aux 12 millions d’élèves français avec 500 000 fonctionnaires de moins. ”. Elle fait ensuite référence au travail mené par une équipe autour de Françoise Lantheaume dans l’ouvrage Le récit du commun, “Il y a en France, qui est un grand pays universitaire, des scientifiques qui travaillent sur ces questions et je veux rassurer tout le monde : les petits Français ont une conception très classique du récit national, très chronologique, avec les Rois de France, les dates, les lieux, les grandes guerres… ”. Et elle poursuit : “Alors, l’idéologie, qu’est-ce que c’est ? C’est justement l’histoire officielle voulue et pratiquée par François Fillon lorsqu’il a été en responsabilité. Je laisse cette conception des choses aux dictatures, aux régimes totalitaires et autoritaires. En France, l’histoire appartient aux historiens, et je compte bien défendre cette vision républicaine et démocratique de l’Éducation dans notre pays.
Sur ce point, on pourra aussi compléter la réflexion par quelques tribunes qui rappellent des principes et poursuivent la réflexion sur ce fameux “récit national” prôné par le candidat. Evoquons brièvement celle de l’Association des Professeurs d’Histoire Géopgraphie pour mettre l’accent surtout sur une tribune de Jean-Christophe Piot (blog “Déja vu”) et une autre de Sébastien Ledoux dans Libération qui s’interroge “De quoi le récit national de François Fillon est-il le nom ?”. Il faut signaler aussi la remarquable mise en perspective historique de cette notion très politique de “roman national” par Nadia Chaar sur Slate.fr pour NonFiction.
Au delà des polémiques, des tribunes indignées et des mises au point nécessaires, il y a une question, me semble t-il, qu’il convient de se poser. S’agit-il, dans le cas de l’ancien ministre de l’éducation, bardé de conseillers qui connaissent le système, d’une méconnaissance qui le conduit à ces affirmations ? Ou alors d’un mensonge délibéré ? La réponse est contenue dans la question. François Fillon, pour les séduire, donne, à toute une frange de la société la plus conservatrice, le discours qu’ils veulent entendre sur l’École. Cela a un nom, ça s’appelle de la démagogie et du populisme...



Un pas après l’autre
Un pas après l’autre” c’est le nom d’un documentaire diffusé mardi 22 novembre 2011 à 23h15 sur France2 dans le cadre de l’émission InfraRouge . Ce film a fait l’objet d’une forte couverture médiatique et a été beaucoup diffusée sur les réseaux sociaux. On en trouve des critiques relativement élogieuses sur Le Parisien ou sur Le Figaro . Même si dans ce dernier, comme dans Télérama on fait part aussi d’un certain malaise.
Que montre ce documentaire ? Il présente le "cours Alexandre Dumas" un établissement hors contrat de Montfermeil, la première école privée financée par la Fondation Espérance banlieues. Les élèves sont pour l’essentiel d’origine étrangère, portent un uniforme. Le vouvoiement est systématique. Le directeur Albéric du Serrant est charismatique, venu de l’enseignement catholique, suit ses élèves de près et insiste beaucoup sur la nécessité d’apprendre à devenir de “bons français”. L’école ne demande aux parents qu’une contribution de 70 euros par mois. Et les résultats semblent être au rendez vous.
Mais on peut s’interroger sur le réel financement de l’école, via une fondation d’entreprises. Et surtout on peut s’inquiéter des valeurs très conservatrices et même réactionnaires transmises par ce réseau d’école qui ont peut-être échappé aux téléspectateurs lors d’une vision trop rapide. A moins qu’elles ne les séduisent et c’est encore plus inquiétant.
Car cette école, comme l'avait montré Grégory Chambat dans son livre , ou encore Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi dans le leur, c'est la vitrine d’un réseau traditionaliste et ultra-libéral, celui de la Fondation pour l’École. C’est le cas aussi du cours Saint-Exupéry à Asnières visité par Bruno Le Maire en Octobre dernier et qui est aussi sponsorisé par Espérance Banlieue et la Fondation pour l’École.
Un réseau qui entend en finir avec le service public d’éducation au nom de la foi et/ou du libéralisme le plus radical... On se retrouve ici dans une nébuleuse qui, en fait, lutte ouvertement contre le service public d’éducation. Notons que SOS éducation est membre du conseil d'administration de la Fondation pour l'école qui abrite Espérance Banlieue. Et n’oublions pas que dans son interview à SOS Éducation , François Fillon promet (de 2:47 à 4:39) “une plus grande liberté dans la création d’établissements qui ne soient pas de l’Éducation Nationale ” mais avec le soutien du Ministère...
Un pas après l’autre, pendant que les gardiens de la radicalité nous assènent des leçons de pureté idéologique et se complaisent dans une posture protestataire à l’égard de chaque réforme, l’école de Grand Papa avance...


École-Entreprise
A l’occasion de la semaine école-entreprise, la ministre de l’Education nationale donne une interview au journal Les Echos. Elle y évoque l' “absolue nécessité de renforcer le lien entreprise-école”, les stages en entreprise, les EPI et les programmes de SES...
Selon la ministre il faut “donner aux élèves la vision la plus lucide des innombrables opportunités qu’offre le monde de l’entreprise ” et elle annonce qu’elle va signer de nouvelles conventions avec des entreprises.
En ce qui concerne les programmes de sciences économiques et sociales, et la réaction sur-jouée de quelques lobbyistes (démission de quelques personnalités du Conseil National Éducation Économie) à l’annonce de l’allègement du programme de SES de 2nde où le chapitre sur le marché avait perdu son caractère obligatoire, la ministre répond : “Nous aurions en effet dû associer dès le début le CNEE à cet aménagement du programme de l'enseignement d'exploration de SES de seconde, je le reconnais volontiers. […] J'ai saisi le CNEE et le conseil supérieur des programmes pour que nous puissions retravailler le sujet le plus posément possible. […] Il faut réfléchir aux compétences et aux connaissances que doit maîtriser un élève ayant suivi un enseignement de SES (sciences économiques et sociales, NDLR) au lycée. C'est le travail qui est attendu du CNEE et du conseil supérieur des programmes. Un groupe de travail est en train d'être mis en place par les deux conseils pour reprendre cette question, et tenir compte des arguments des professeurs pour un programme de SES qui tienne la route.
On sent que la ministre veut jouer l’apaisement et la conciliation dans une période marquée par une certaine urgence et où la marge de manœuvre est étroite face à ceux qui cherchent la mort des Sciences économique ET sociales (on sent bien que c’est surtout le “et” qui gêne)... Et on est bien obligé de constater que l’enseignement des SES partage le triste privilège avec celui de l’Histoire-Géographie d’être un sujet de polémiques récurrentes dans les médias et dans l’opinion. Et l’élaboration de leurs programmes a tendance à échapper, de fait, à la règle commune qui prévaut pour les autres programmes…Imagine t-on qu’on constitue une commission mixte avec le comité olympique pour travailler sur les programmes d’EPS ?
Pendant ce temps là que fait le MEDEF ? il fait des propositions pour l’École. Priorité au primaire, autonomie des établissements, renforcement du rôle des entreprises dans les filières d'apprentissage: le Medef a exposé jeudi, en vue de la présidentielle, rapporte Le Figaro ses propositions pour une "refonte réelle du système éducatif" afin que "100% des élèves soient citoyens et employables". Selon l’organisation patronale, "Le système éducatif français ne répond plus aux enjeux de l'avenir. Il est profondément inégalitaire, et comme on demande souvent à l'entreprise de pallier ses déficits, nous nous sentons légitimes à entrer dans le débat". C’est ce qu’a déclaré Florence Poivey, présidente de la commission éducation, formation et insertion au Medef, lors d'une rencontre avec la presse.


Ailleurs
Maroc, Turquie, USA... Trois pays au menu de cette rubrique.

Au Maroc, la disparition des écoles publiques accélère la marchandisation de l’éducation ” c’est le titre d’un article intéressant et édifiant du journal Le Monde . On y apprend que plus de 200 écoles publiques ont fermé leurs portes depuis 2008 au Maroc, dont 135 établissements primaires, principalement dans les grandes villes, à Casablanca et à Rabat. Des centaines d’enfants ont été envoyés dans d’autres établissements où les classes peuvent atteindre jusqu’à 70 élèves.
Et cette politique délibérée conduit au développement des écoles privées qui, elles, fleurissent un peu partout dans les grandes villes, profitant de la mauvaise image du système public pour créer un marché compétitif. Au niveau primaire, la scolarisation privée est passée de 4 % en 1999 à 15 % en 2015, selon les chiffres du ministère. « Dans les grandes villes, 70 % à 80 % des élèves sont scolarisés dans le privé», affirme Sylvain Aubry, du centre de recherche Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, auteur d’une étude sur l’éducation au Maroc. Perçues comme une alternative à un secteur public en faillite, ces écoles attirent de plus en plus de familles défavorisées qui fuient les établissements publics dans l’espoir d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants.

En Turquie, le président met au pas le système d’enseignementpeut-on lire dans La Croix : “Une mise au pas totale du système éducatif turc : c’est le sentiment d’une partie du corps enseignant à la suite des mesures imposées depuis le putsch raté du 15 juillet dernier. […] Mais la mise au pas du système éducatif ne touche pas uniquement le milieu universitaire. Une réforme contestée concerne également les 155 meilleurs lycées publics du pays, désormais administrés dans le cadre du système « d’écoles-projets ». Cette réforme, qui impose aux lycées prestigieux un encadrement administratif particulier, a profondément modifié le corps enseignant et les programmes éducatifs de ces établissements considérés comme le berceau de l’élite laïque de la Turquie. […] Fortement soutenues par le pouvoir de l’AKP, les écoles religieuses sont également en pleine croissance. […] Résultat : dans certains villages et quartiers, le seul choix qui s’offre désormais aux parents est d’envoyer leurs enfants dans une école religieuse ”.
On apprend cependant par Le Monde que 6.000 enseignants turcs ont été rétablis dans leurs fonctions. Mais les enquêtes ouvertes sur ces enseignants, suspendus car “soupçonnés d’avoir des liens avec des organisations terroristes” “sont toujours en cours” a précisé le ministère.

Après avoir hésité entre un créationniste et un créationniste…, Donald Trump a finalement nommé Betsy DeVos , une richissime philanthrope de 58 ans conservatrice et farouche partisane du droit à choisir entre école publique, privée ou enseignement à la maison, pour diriger le ministère de l'Education. Elle est mariée à Dick DeVos, l'un des héritiers de Richard DeVos, la 88ème fortune américaine au classement Forbes de 2016 avec 5,4 milliards de dollars.
Donald "Trump a choisi la candidate la plus idéologue et hostile à l'école publique depuis la création du ministère de l'Education", a déclaré sur Twitter, Randi Weingarten, la présidente du syndicat American Federation of Teachers. Lily Eskelsen Garcia, qui dirige un autre grand syndicat d'enseignants, la National Education Association, a elle estimé dans un communiqué que l'approche de la future ministre ne "faisait rien pour aider nos étudiants les plus vulnérables tout en ignorant ou exacerbant les fossés flagrants qui existent dans les opportunités" offertes aux jeunes.

A la lecture de toutes ces information venues d’ailleurs (mais aussi de notre propre pays…), je me permets une réflexion. Ce qui m'a frappé lorsque je suis allé dans des congrès internationaux c'est à quel point ce que nous croyons être la règle, c'est-à-dire un service public d'éducation fort et centralisé (“à la française”), est une exception. Et j'en ai retiré une autre conviction. Ce que nous croyons immuable pourrait bien disparaitre ou se transformer très vite. Bien plus vite qu'on ne le pense...



Butinages
Dans les butinages de la semaine, c’est incontestablement cette information qui a fait l’objet du plus de transfert et de retweets.
On a appris en début de semaine que le député Jacques Bompard (soutien de François Fillon) avait déposé récemment un amendement à un projet de loi où il propose de demander pardon aux rois de France “pour le saccage de leurs sépultures lors de la profanation des tombes de l’abbaye de Saint-Denis en 1793 et 1794.
Cet habitué des amendements plutôt improbables a expliqué que “ce rappel historique est crucial pour prévenir les excès terroristes qui marquèrent les années révolutionnaires". 
Le refus de la repentance est à sens unique...






Après toutes ces informations un peu moroses, finissons avec quelques conseils de lectures, stimulantes ou réconfortantes.
Dispose-t-on enfin d’une méthodologie infaillible pour identifier les pratiques éducatives qui marchent le mieux ? C’est la question que l’on peut se poser devant le succès planétaire de l’ouvrage de John Hattie, «Visible Learning», initialement publié en 2008. Pour certains commentateurs, le chercheur néo-zélandais a même trouvé rien moins que le « Saint Graal » de la recherche en éducation ! Comment ? En proposant une démarche de mesure systématique des effets des actions pédagogiques sur la réussite scolaire qui permet de déterminer quelles sont les bonnes pratiques en éducation. On en trouvera une très bonne présentation par Olivier Rey dans The Conversation
Charles Hadji toujours dans The Conversation , propose sa lecture du dernier rapport du Cnesco. Selon lui “il présente deux visages. Le premier est celui d’un rapport opportun, éclairant, et utile, qui apporte des données précieuses sur la question, assez explosive, des inégalités scolaires. […] mais ce rapport nous paraît ambigu. Il peut se lire, en effet, comme une véritable enquête policière, qui tente de répondre à la question : à qui la faute ? Les auteurs veulent « pointer du doigt » les « responsabilités en jeu ».C’est à se demander si le Lucky Luke qui conduit l’enquête n’a pas tendance à tirer plus vite que son ombre.
Dans les lectures réconfortantes et presque “de combat”, je voudrais terminer par deux conseils de lecture.
D’abord la réponse de Philippe Meirieu à François Fillon sur le site du Café Pédagogique où il propose de “modestes remarques sur le rôle des pédagogues prétentieux”.
Et puis l’interview de Pierre Merle sur AlterEcoPlus à propos des discours passéistes sur l’école offre une mine d’arguments. Il est à lire dans son entier. On isolera, pour conclure, cet extrait : “Les commentaires d’intellectuels auto-proclamés comme Alain Finkielkraut sont des discours hors sol, qui révèlent que ces personnes n’ont aucune connaissance de ce qui se fait sur le terrain et du vécu des enseignants. Ce discours nostalgique d’un modèle très classique de l’école, relayé souvent par le Figaro, est aussi repris par certains enseignants et parents déboussolés. On a même pu entendre des hommes politiques comme Jean-François Copé proposer d’établir un examen à la fin du CP ! Une proposition qui n’a guère de sens quand on sait que le redoublement ne favorise pas du tout les apprentissages à ce niveau d’études. Ces fausses solutions consistent à écarter de fait du système les élèves les plus en difficulté. Elles déboucheraient sur une croissance du nombre des non-diplômés, qui sont déjà trop nombreux, et entraîneraient des difficultés encore plus grandes pour que ces jeunes trouvent un emploi. ” Et le sociologue et spécialiste de l’École appelle à “ discuter d’une façon argumentée et honnête.”. Il y a du boulot !

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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