dimanche, novembre 05, 2017

Education Nouvelle, Innovation, Formation #BIEN17



#Bien17  Biennale de l’éducation nouvelle Jour 3 (samedi 4 novembre 2017)



Je propose un troisième billet reposant en partie sur mon intervention à la table ronde sur Éducation Nouvelle et Formation le samedi 4 novembre au matin et sur quelques réflexions sur l'innovation
Deux tables rondes étaient en effet proposées en parallèle. L’une était consacrée à l’innovation et l’autre portait donc sur la formation. On peut s’étonner qu’on m’ait demandé de participer à cette dernière alors que j’ai été président du Conseil National de l’Innovation et de la Réussite Éducative (Cniré) auquel de nombreux membres du Collectif des associations partenaires de l'École ont participé. Je me suis moi même étonné de ce choix des organisateurs... 
Toutefois, j’ai aussi pas mal réfléchi à cette question de la formation comme en témoignent de nombreux billets de blogs. Je vous livre donc mes réflexions sur ces deux sujets.


Innovation : mot piégé
Dans le rapport du Cniré et précédemment dans un article de blog intitulé «École et innovation : je t’aime moi non plus», j’alertais sur les usages et les dangers de cette notion d’innovation. Elle peut être un repoussoir pour bon nombre de collègues lorsqu’elle est vécue comme une injonction un peu vaine à la tonalité « manegeriale ». Elle peut,paradoxalement,  favoriser le conservatisme. Par ailleurs, l’image donnée par les médias est plutôt celle d’enseignants solitaires en lutte contre une administration castratrice ou bien encore d’initiatives privées vendues comme « innovantes ». Alors que les projets présentés durant cette biennale sont des projets collectifs qui s’appuient sur les marges de manœuvre permises (ou conquises) par le système éducatif public.
Incontestablement, pour un observateur naïf, la Biennale serait un rassemblement d’enseignants « innovants ». En tout cas, ça y ressemble. Et un bon nombre des participants, impliqués dans des micro-lycées, des écoles innovantes ou d’autres structures ne rejetteraient pas le terme et l’ont même inclus dans leur sigle. Par exemple la Fespi, un des organisateurs de cette biennale, est la Fédération des Etablissements Scolaires Publics Innovants. 
Toutefois, j’ai la la conviction que ce qui importe c’est plus la démarche de recherche que l’innovation en elle-même. Plutôt que de parler d’« enseignants innovants », il nous semble plus pertinent de parler d’enseignants ou de praticiens dans une démarche de recherche.
« Innover » n’est pas un but en soi mais une démarche au service de valeurs. Au lieu de cette injonction à innover, on devrait parler plutôt de droit à l’expérimentation. Expérimenter, chercher ensemble, s’évaluer, plutôt qu’à tout prix innover…
On pourrait aussi proposer une autre piste en proposant de redonner toute sa place au terme de « progrès » plutôt que d’innovation. Car, ce qui anime les personnes qui s’inscrivent dans ce courant de l’éducation toujours nouvelle après plus de 150 ans c’est plutôt de s’inscrire dans une perspective de progrès humain plutôt que d’innovation sans but ni perspective.
Nous voulons améliorer notre École pour qu’elle puisse travailler plus efficacement au service de la réussite de tous les élèves. C’est parce que la lutte contre les inégalités doit être la priorité absolue qu’il faut innover et construire une école plus efficace.


Formation et éducation nouvelle.
Dans cette démarche de diffusion des pratiques et des valeurs de l’éducation nouvelle, la formation est indispensable. La réflexivité, le travail en équipe, le partenariat, l’écriture professionnelle, le lien avec la recherche pourraient être plus présents dans la formation initiale. Mais la formation continue est encore plus importante.
Mais je voudrais insister surtout sur un aspect qui me semble essentiel et pas assez présent dans les ESPÉ aujourd’hui. C’est celui de la nécessaire pédagogie des moments de formation. C’est une conviction forte et partagée par nos mouvements.
On pourrait la  traduire par une proposition assez simple : on enseigne comme on a été formé et on devrait former comme on voudrait que les gens enseignent. La forme que doit prendre la formation est donc tout aussi importante que le fond. Rien ne sert de faire un cours magistral sur le travail de groupe ! Si l’on veut que le métier change, il ne faut pas seulement enseigner la pédagogie, il faut la faire vivre en ayant des dispositifs de formation qui mettent les stagiaires en situation d’activité. C’est parce qu’ils l’auront vécu dans leur formation qu’ils seront mieux convaincus de leur transférabilité dans leur propre enseignement. C’est ce qu’on résume en général en parlant de principe d’isomorphisme.
Qui formera les formateurs ? Car, au risque de me répéter et de me faire quelques ennemis chez mes collègues, j'ai le sentiment que ce principe est peu appliqué. Et cela pose la question de la formation des formateurs intervenant dans les ESPÉ et de la diversité de leurs parcours. Sur ce point, comme sur d’autres, l’expérience accumulée par les mouvements pédagogiques et les associations complémentaires pourrait être mieux utilisée. Il ne faudrait pas borner ceux ci à un rôle de supplétif comme cela se voit trop souvent aujourd’hui dans la formation.



En tout cas, pour finir sur une note personnelle et un hommage, je dois dire que c’est toute l’éducation informelle et formelle que j’ai reçue dans les différents mouvements pédagogiques et associations dans lesquels j’ai milité qui a construit une bonne partie de ma compétence de formateur. Et au delà, qui m’a construit en tant qu’homme...

Philippe Watrelot
 3 et 4 novembre 2017

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Les billets consacrés à la Biennale internationale de l’éducation nouvelle
Billet n° 2 : Sciences et pédagogie
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